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les races humaines, la moelle épinière et les nerfs deviennent d’autant plus volumineux qu’on approche plus de la race éthiopique. Il existe un antagonisme très prononcé entre la face et le cerveau ; selon que la face prédomine, l’action des sens prédomine, et l’action de l’intelligence baisse dans la même proportion. Les races inférieures sont remarquables par la finesse de l’odorat : les nègres et les Indiens du Nouveau-Monde connaissent par l’olfaction les individus, les sexes, les étrangers ; ce sens leur sert à distinguer leurs ennemis. Le goût est aussi prodigieusement développé dans les races rouge et noire : la délectation que les individus de ces deux couleurs éprouvent à la vue et à l’absorption de la nourriture ne saurait se définir ; la race blanche, à côté d’eux, ne sait pas manger.

La civilisation paraît avoir pour effet de réduire la capacité de l’abdomen ; chez les races sauvages ou barbares, tous les appareils de la vie végétative et animale sont portés à un volume considérable. Les Chinois ont la panse très saillante ; leurs artistes exagèrent ce caractère sur leurs portraits, tant ce qui serait chez nous un objet d’insulte est en honneur chez eux. La race américaine se fait remarquer par certaines excentricités qui sont, chez elle, un effet de la tendance des races inférieures à développer le volume des réceptacles des sens. On rencontre des tribus de sauvages dont les uns tiennent à honneur d’être les cultivateurs de l’oreille, d’autres les cultivateurs du nez ; on trouve aussi des sectes qui se distinguent par un ventre énorme. Le chef d’une de ces sectes, représenté sur une gravure que M. Serres nous a fait voir, paraît aussi content de son abdomen que l’autre l’est de son nez. Ses sujets cherchaient à l’imiter, et reproduisaient assez bien sa grosseur. Les sauvages d’Amérique sont, comme nous l’avons dit, d’une voracité extrême ; lorsque la chasse a été bonne et qu’une masse d’alimentation se trouve à portée de leur estomac, ils mangent avec une avidité telle, qu’ils sont contraints ensuite de s’étendre à terre, engourdis et repus. Ils se couchent sur le dos : un de leurs camarades, moins gorgé de nourriture, vient s’asseoir sur leur ventre et leur pétrit la partie sensible pour aider à la digestion. Nous retrouvons dans ces races inférieures tous les traits de l’animalité ; à mesure que l’action des sens se développe chez elles, la physionomie perd de sa mobilité, de son caractère, de sa noblesse. L’ame, chez nous, a deux langages, la parole et la physionomie, par lesquels elle exprime tous ses sentimens. Il n’en est plus de même dans la race éthiopique ; nous rencontrons chez elle une entière apathie de la face ; le jeu de la physionomie éteint exprime tout au plus par une grimace la grossière satisfaction