Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

objets qui s’effacent par la distance ; aucun chronomètre ne peut guider notre marche dans des ages où tout est encore fabuleux.

Il s’est élevé dans ces derniers temps une opinion qui sera jugée plus tard : quelques physiologistes distingués ont voulu faire sortir les races d’une souche commune par voie de développemens. La race noire se serait transformée avec le temps, et en passant par les nuances intermédiaires, dans la race blanche. Cette hypothèse flatteuse pour la théorie du progrès ne repose jusqu’ici, il faut l’avouer, sur aucun monument authentique. En fait, il existe plusieurs races d’hommes reconnaissables, dont les caractères semblent doués d’une force de résistance très grande. La nature a mis entre les différens groupes de notre espèce des limites qui ont empêché jusqu’ici la confusion de s’introduire parmi eux. Or, la nature veille à la conservation des caractères qui constituent les races, parce qu’à ces caractères sont attachées des aptitudes physiques et morales distinctes. Ces différences dans la couleur de la peau, dans la forme de la tête, et généralement dans la structure du corps, amènent les facultés particulières dont le rapport total forme l’harmonie du genre humain.

S’il y a une gradation de puissance à établir sur la couleur des races, il existe aussi une échelle de domination basée sur les formes du crâne. On a trouvé dans l’Amérique du Sud une île, nommée l’île des Sacrifices, dans laquelle les anciens habitans de cette partie du monde égorgeaient des victimes humaines. Des peintures, conservées sur les lieux et reproduites dans le grand ouvrage de M. de Humboldt, nous montrent ces scènes affreuses. Une remarque curieuse à faire est celle de la différence de la tête chez les acteurs de ce drame horrible : les hommes dans le sein desquels leurs ennemis enfoncent le couteau avec une sorte de plaisir sauvage sont, pour ainsi dire, acéphales. Ces individus, quoique de couleur rouge, sortent évidemment d’une autre race, inférieure à celle qui les immole. Aujourd’hui que le temps a passé sur les peuples du Nouveau-Monde, et qu’il a confondu les débris des uns et des autres dans les entrailles de la terre, on distingue encore le crâne des sacrificateurs et celui des sacrifiés. La configuration de la tête de ces derniers, étroite et fuyante, annonce des êtres faibles, sans défense, nés pour mourir ; tandis que la nature a imprimé sur le crâne de leurs terribles destructeurs les caractères de la force impitoyable. On voit donc qu’au sein des peuples d’une même coloration, en guerre les uns avec les autres, il existe des variétés considérables qui servent de base à une hiérarchie éternelle,