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Supposons que le gouvernement contracte un emprunt dans un temps où le taux de l’intérêt est, par rapport à l’état, à 10 pour 100, et que, pour réaliser cet emprunt, il émette 10 millions de rentes. Si, fidèle à la vérité, docile à la loi que les circonstances lui dictent, il émet ces rentes en 10 pour 100, il obtiendra sur cette émission un capital à peu près correspondant au pair ; supposons-le seulement de 96 ou 98 millions. Aucune faveur ne lui est faite pour le présent ; mais voyez ses avantages prochains. D’abord, quand le jour du remboursement sera venu, il ne rendra guère à ses créanciers que le capital reçu, sauf une différence de 2 à 4 millions au plus. La position sera meilleure encore en ce qui touche les intérêts. Pour peu que l’état du crédit s’améliore, que la prospérité revienne, sa dette se fondra pour ainsi dire au soleil des jours meilleurs. Aussitôt que le taux de l’intérêt sera descendu seulement à 9 pour 100, il pourra entrer dans la voie des réductions. Une première conversion remplacera les titres anciens par des titres nouveaux en 9 pour 100, avec une économie d’un dixième sur le service des intérêts. A chaque décroissance successive de l’intérêt surviendra une conversion nouvelle, en 8, en 7, en 6, en 5, et chaque fois avec une économie pareille. Arrivé à ce dernier terme, le montant total de la dette annuelle sera déjà réduit de moitié, sans qu’alors même la ressource des réductions soit épuisée. Combien de temps faut-il pour amener dans un état un changement semblable ? Nous savons, par l’expérience de la France, que peu d’années suffisent, quand le calme renaît après des temps d’orages. Cette période de temps, quelle qu’elle soit, peut et doit paraître longue, presque indéfinie, à des prêteurs qui ne peuvent d’avance en calculer la durée, et qui ne sont pas sûrs de vivre : voilà pourquoi ils estiment mal les avantages qui doivent la suivre ; mais elle compte à peine dans l’existence d’un état. Ainsi, perte insignifiante sur le capital, prompte et successive réduction des intérêts, voilà ce qu’on trouve dans ce système. Si on l’avait suivi en France depuis le temps où la dette consolidée existe, il est impossible de dire dans quelle mesure le pays se serait déjà débarrassé du fardeau de ses anciennes dettes.

En suivant l’autre système, on arrive à des résultats tout diférens : Ici nous supposons qu’au lieu d’émettre ses 10 millions de rentes en 10 pour 100, comme le veut l’état du crédit, le gouvernement les émette en 5 ; obtiendra-t-il pour cela des conditions actuelles notablement meilleures ? Oui, dans une certaine mesure ; mais, au milieu, de ces jours de crise, il y a, soyez-en sûr, tant dans la situation générale