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avantage réel, au moins quant à présent. De plus, en livrant à ses créanciers du 3 pour 100, l’état s’affranchirait pour long-temps de l’obligation de remanier les rentes, tandis qu’au contraire, en leur donnant du 3 trois quarts, il s’expose à recommencer dans peu d’années une opération semblable. En effet, ce dernier titre valant déjà sensiblement, plus que le pair, celui de nos fonds qui le suit dans l’échelle, c’est-à-dire le 3 et demi, ne tardera guère, pour peu que notre crédit s’élève, à franchir aussi cette limite ; dès-lors, une nouvelle conversion en 3 et demi deviendra imminente. Au contraire, en convertissant aujourd’hui en 3 pour 100, on se prépare un long repos. A voir le taux auquel est aujourd’hui ce dernier fonds, soit en France, soit même dans les pays voisins, il n’est guère permis de croire qu’il arrive de long-temps à dépasser le pair, au moins d’une manière assez sensible pour autoriser sa conversion. Cette quiétude enfin, ce repos que l’on procure à l’état, on l’assure par le même moyen à ses créanciers, et si on leur fait supporter dans le présent une réduction plus forte qu’il ne faudrait, on leur assure du moins, pour un temps fort long, la jouissance paisible de ce qui leur reste. Tels sont, en résumé, les avantages de ce système. Nous ne croyons pas les avoir atténués en les exposant, voyons maintenant les inconvéniens qui les balancent.

On remarquera d’abord que, dans cette hypothèse, la conversion n’est plus une simple réduction d’intérêts, telle que tout débiteur peut et doit l’exiger de ses créanciers, lorsque le crédit général et son crédit particulier s’élèvent. C’est une combinaison financière, une sorte de transaction ou de marché. L’état offre à ses créanciers, comme compensation d’une réduction d’intérêts qu’ils ne lui doivent pas, une augmentation de capital qu’il ne leur doit pas davantage. Dès-lors il s’agit pour les uns et pour les autres d’équilibrer les avantages offerts avec les sacrifices demandés ; balance fort simple en apparence, mais dans laquelle il n’y a malheureusement, ni pour le gouvernement ni pour les créanciers, de base certaine d’appréciation ou de règle fixe. Certes, si cette augmentation offerte sur le capital était actuellement réalisable, la balance serait facile à établir : il ne s’agirait alors que d’un simple calcul d’intérêts, et une règle de proportion ferait à l’instant cesser tous les doutes ; mais en est-il ainsi ? Loin de là. Cet accroissement de capital n’existe pour ainsi dire qu’en perspective ; il ne sera réalisable que dans un avenir très éloigné, très incertain. Il faut pour cela que le 3 pour 100 atteigne le pair. Qui peut dire à quelle époque il y arrivera ? est-il même sûr qu’il y arrive jamais ? Si le gouvernement doit le croire et agir en conséquence, il est permis aux