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on peut voir tout à la fois dans quels termes se présente aujourd’hui la conversion du 5 pour 100, et, de plus, quelle serait l’étendue des opérations que l’on pourrait tenter.

Il y a si long-temps que notre 4 et demi a dépassé le pair, qu’à moins de circonstances extraordinaires, exceptionnelles, on ne comprend guère qu’il puisse y revenir. Il n’est pas à 103 ou 104 francs, comme nous le supposions tout-à-l’heure : les dernières cotes de la Bourse le portent à 115 et au-delà ; mais ce n’est point assez. Quand les fonds publics arrivent une fois à ce taux, quand ils dépassent si notablement le pair, le cours même de la Bourse cesse d’être la véritable mesure de leur valeur. En effet, la perspective plus ou moins éloignée d’un remboursement futur pèse sur eux et les déprime. Ce n’est pas seulement le 5 dont elle arrête l’essor ; le 4 et demi et même le 4 en sont pareillement affectés, bien qu’à des degrés différens. Voulez-vous avoir la véritable mesure de la valeur de ces fonds, comparez-les au 3 pour 100, qui est pour long-temps encore affranchi de ces entraves. Au moment où nous écrivons ces lignes, le 3 est à 85 et plus à la Bourse. Eh bien ! ce cours actuel du plus libre de nos fonds porte proportionnellement le 5 à 141 francs et le 4 et demi à 127. Le 4 même, qui est coté à la Bourse à 108, s’élève dans ce calcul à 113 fr. Telles sont, en effet, les valeurs réelles de ces divers titres, à ne considérer que l’état de notre crédit public, et en les supposant affranchis de l’idée du remboursement qui les déprime.

La conséquence à tirer de là est simple : non-seulement la conversion du 5 en 4 et demi est chose naturelle et facile, mais le moment où elle aurait dû se faire est tellement dépassé, tellement éloigné de nous, que l’on s’étonne qu’il en soit encore question.

En effet, ce n’est pas en 4 et demi, c’est en 4 que la conversion du 5 devrait aujourd’hui s’effectuer. Cette opération que la chambre des députés réclame, devant laquelle le gouvernement s’arrête, et que des voix malavisées osent encore combattre ; cette opération, disons-nous, devrait être un fait accompli depuis long-temps. Il y a plusieurs années que le 5 aurait dû disparaître de nos registres publics, que le 4 et demi aurait dû en occuper la place, et c’est ce dernier qu’il faudrait aujourd’hui s’occuper de convertir.

Si la conversion se présentait dans ces termes, loin de la trouver prématurée et trop hardie, nous oserions soutenir encore qu’elle est tardive. Combien de temps y a-t-il, en effet, que le 4 est coté à la Bourse avec une prime notable ! Et prétendra-t-on qu’à ces conditions il n’est pas encore digne d’être offert en échange d’un remboursement au pair ?