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surprise, le public chercher de préférence les informations scientifiques dans les journaux quotidiens, et négliger ces comptes rendus authentiques qui semblaient d’abord devoir exclure toute concurrence. Bien plus, depuis quelques semaines, il s’est manifesté des symptômes graves qui prouvent que non-seulement ces comptes rendus sont délaissés par la généralité des lecteurs, mais que même les membres de l’Académie préfèrent d’autres organes de la presse à leur propre journal, lorsqu’ils veulent s’adresser au public. Aussi, sans parler de la Démocratie pacifique, dont on a récemment annoncé que M. Arago et d’autres membres de l’Académie étaient les principaux rédacteurs, et dans laquelle, certes, on ne rend compte des séances de l’Académie des Sciences que d’après leur inspiration, nous avons lu dans le Constitutionnel une espèce de manifeste qu’on attribue à un des membres les plus illustres de l’Institut, et dans lequel il est dit que désormais ce seront des membres de l’Académie qui dirigeront les communications scientifiques que ce journal promet de faire régulièrement au public. Au même instant, le Journal des Débats, profitant de l’absence d’un de ses rédacteurs habituels, à l’éloignement duquel on prétend que M. Arago n’a pas été étranger, confiait à un membre de l’Académie des Sciences la rédaction d’une revue qui paraît devoir embrasser les sciences dans leur généralité. On doit être assuré que ce mouvement ne s’arrêtera pas là. Puisque quelques membres de l’Académie ont cru devoir prendre position dans la presse, leur exemple sera suivi, et l’on verra successivement les académiciens les plus actifs communiquer directement leurs idées au public sans que personne puisse trouver à y redire, pas même M. Arago, qui a long-temps rendu compte, dans les Annales de physique et de chimie, des séances de l’Académie des Sciences, et qui ne craignait même pas de relater dans ces Annales ce qui s’était passé dans les comités secrets.

Nous l’avons dit : ces symptômes sont graves. Ils montrent d’un côté qu’en introduisant le public et les journaux à l’Académie, M. Arago, auquel on doit cette innovation contraire au règlement, s’était flatté vainement de conserver toujours le monopole de ces journaux, qu’il sut diriger si souvent contre ses adversaires. D’autre part, ils indiquent que ces comptes rendus, pour lesquels l’Académie fait tant de sacrifices, ne répondent nullement aux véritables besoins de la science. Au commencement, ces comptes rendus ne devaient être qu’un essai. D’après les promesses de M. Arago, ils ne coûteraient rien à l’Académie, et il fut même annoncé qu’un éditeur se chargerait volontiers de cette entreprise à ses risques et périls. Se fiant à ces belles paroles, l’Académie adopta provisoirement cette proposition ; mais, malgré de vives réclamations, ce provisoire n’a jamais été régularisé, et l’on a marché toujours en avant sans que jamais un règlement, promis à plusieurs reprises, vînt définir nettement le but et les bornes de ces comptes rendus. Autrefois l’Académie publiait régulièrement les travaux de ses membres ; elle faisait paraître dans des volumes à part les mémoires rédigés par des étrangers, et jugés dignes,