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traite. Nous n’en tiendrons pas compte : cependant, car la contrebande et se faire facilement sur la frontière des États-Unis ; et si, comme quelques témoignages authentiques le prouvent, des esclaves ont été introduits par mer, ils venaient probablement de Cuba, qui maintenant regorge d’esclaves. Nous ne tiendrons pas compte non plus de la traite qui peut se faire entre l’Afrique et les rives de la Plata, d’abord parce qu’une partie de ces républiques ont aboli l’esclavage, et parce que les autres sont, par le malheur des temps, tombées dans un tel état d’appauvrissement, qu’elles ne peuvent acheter d’esclaves et n’en sauraient que faire. Nous avons vu que les planteurs de la Plata exportaient leurs nègres au Brésil, preuve manifeste, à notre avis, qu’ils n’en achètent pas. Nous conserverons donc les chiffres que nous avons donnés : pour le Brésil, 50,000 ; Cuba, 25,000 ; Porto-Rico, 5,000, et cependant nous arrivons au chiffre de 80,000 nègres, qui ne s’éloigne pas beaucoup, on le voit, du chiffre de 100,000, que nous avons toujours retrouvé depuis 1768. La persistance même de ce chiffre prouve que nos calculs sont exacts. Sir Robert Peel reconnaissait, l’année dernière, dans le parlement, que la traite s’élevait encore à 100,000 nègres, et n’avait pas diminué depuis le commencement du siècle. A quoi donc ont servi les deux ou trois cents traités conclus par l’Angleterre, et ses innombrables croisières ?

Au dernier siècle, les nations européennes s’étaient en quelque sorte partagé la côte d’Afrique pour y faire la traite ; ainsi les Français trafiquaient habituellement entre le Sénégal et la Gambie ; les Hollandais, aux environs de cette dernière rivière ; les Anglais, sur les côtes de la Guinée septentrionale, à la côte d’Ivoire, à la côte d’Or, dans les baies de Bénin et de Biafra. Les Portugais faisaient la traite auprès de leurs établissemens dans la Guinée méridionale, dans les royaumes d’Angola et de Benguela. A mesure que les Européens ont renoncé à la traite, plusieurs des anciens marchés sont devenus déserts ; et lorsque l’Angleterre s’interdit la traite, elle imposa au Portugal un traité qui lui défendait de trafiquer au nord de l’équateur, afin de détruire le mal au moins sur la côte de Guinée. Il en résulta une baisse considérable dans le prix des esclaves le long de la baie de Bénin, et les navires portugais, attirés par le rabais, s’y rendirent en foule sous pavillon espagnol, jusqu’à ce que les négriers de Cuba vinssent leur faire une rude concurrence : ils retournèrent alors à leurs anciens marchés.

La traite a entièrement disparu du Sénégal et de la Gambie depuis que la France y a renoncé ; les négriers portugais établis aux îles du Cap-Vert font encore quelques excursions sur la côte qui s’étend