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apparent de la nationalité, que ce signe ne peut être dans tous les cas une présomption suffisante de la nationalité du navire qui le porte ; qu’enfin, dans certains cas, la nationalité d’un navire peut être vérifiée. Autrement, l’emploi frauduleux du pavillon couvrirait tous les abus. Un pirate, un négrier échapperait aux poursuites des vaisseaux de l’Angleterre en arborant le pavillon français, et aux poursuites des vaisseaux de la France en arborant le pavillon britannique.

Afin de prévenir toute difficulté dans l’application de l’article 8, il a été convenu que l’on adresserait aux commandans de chaque escadre des instructions fondées sur le principe du droit des gens et sur la pratique constante des nations maritimes.

Ces instructions ont été publiées. On y retrouve d’abord la confirmation expresse du principe que nous venons de voir. Ainsi, il est déclaré au nom des deux pays que le pavillon de l’Angleterre ou de la France ne peut assurer aucun privilège à ceux qui n’ont pas le droit de l’arborer.

L’instruction française établit, d’après la loi et les principes, le droit de vérifier la nationalité des bâtimens suspects. En cas de soupçon de piraterie, le droit des gens autorise tout vaisseau de guerre à arrêter préalablement le navire suspect, quel que soit son pavillon. Or, d’après l’instruction, quels sont les actes de piraterie ? Ce ne sont pas seulement les actes de déprédation et de brigandage ; aux termes de la loi du 12 avril 1825, ceux qui naviguent sans papiers de bord ou avec des papiers irréguliers sont qualifiés pirates. L’instruction va plus loin ; contrairement à la loi de 1825, elle assimile aux actes de piraterie le seul fait d’usurper un pavillon. Elle veut par-là étendre à la répression de la traite un principe jusqu’ici exclusivement appliqué à la répression de la piraterie.

Or donc, toutes les fois qu’un navire sera signalé à l’une ou à l’autre escadre comme suspect de piraterie ou d’actes considérés comme tels, on sera autorisé à l’arrêter, et à vérifier si les soupçons sont fondés. Telle est la règle établie par les instructions.

Comme garanties et comme limites posées à l’exercice de ce droit de vérification réciproque, les instructions recommandent aux officiers des deux escadres la plus grande circonspection. On ne devra entreprendre la vérification de la nationalité d’un navire que sur des soupçons réels et graves. On ne devra procéder à cette vérification qu’avec les plus grands ménagemens. Tout acte répréhensible pourrait donner lieu à une indemnité.

Après ces détails, que nous avons dû donner, il nous sera facile d’apprécier en peu de mots quelques-unes des opinions déjà exprimées au sujet de l’article 8.

On a dit que la vérification des navires suspects n’était pas érigée en droit. Nous trouvons au contraire que le droit résulte de l’article même et des instructions. Le principe de la vérification est posé. Seulement, l’application du principe est limitée. Si la vérification est abusive, il y aura lieu à indemnité. Si elle est régulière, l’indemnité n’aura pas lieu, encore même qu’il y ait eu