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déjà inquiétaient les esprits. La presse ministérielle ne croyait pas que le droit de visite fût aboli, et néanmoins le traité du 29 mai lui paraissait le chef-d’œuvre de notre diplomatie. Heureuse confiance ! comme le ministère doit s’applaudir d’inspirer autour de lui une foi si vive, et quelle gloire pour lui de se montrer plus national que ses journaux !

On connaît les stipulations principales du traité. La France et l’Angleterre établiront sur la côte occidentale de l’Afrique une force navale composée, pour chacune d’elles, de vingt-six bâtimens pour le moins. Les deux escadres agiront de concert pour la suppression de la traite, soit par des moyens de coercition ou de surveillance, soit par des négociations avec les chefs indigènes. Lorsque l’emploi de la force sera nécessaire, il faudra, pour agir, le consentement des deux parties contractantes, L’exercice du droit de visite cessera de part et d’autre dans les trois mois qui suivront la mise à exécution du traité. Les deux nations s’engagent à interdire tout trafic d’esclaves dans leurs colonies. Les articles 8 et 10 méritent une attention particulière. L’article 8 établit en principe le droit réciproque de vérifier la nationalité du pavillon. L’article 10 fixe la durée de la convention à dix ans. Les conventions antérieures seront suspendues ; elles pourront être reprises ou modifiées dans le cours de la cinquième année, avec le consentement des deux parties. Au bout de dix ans, si les traités de 1831 et 1833 n’ont pas été remis en vigueur, ils seront considérés comme abrogés.

On voit, par cette simple analyse, que l’abrogation réelle des traités de 1831 et 1833 ne peut être mise en doute par personne. La presse ministérielle eût pu dispenser M. le duc de Broglie de lui donner, par la voie du Moniteur, des explications officielles sur ce point. En effet, d’après l’article 10, les conventions de 1831 et 1833 ne pourront être rétablies, au bout de cinq ans, que par le consentement commun des deux gouvernemens, et au bout de dix ans, si ce concert n’a pas eu lieu, elles seront définitivement abrogées. Or, comme on ne peut supposer que la France consentira au rétablissement du droit de visite, ce droit peut être regardé, dès à présent, comme aboli. Du reste, il ne faut pas exagérer ici la concession de l’Angleterre. Dans les anciens traités, le renouvellement périodique des mandats contenait le principe d’une révocation facultative. On nous accorde aujourd’hui, d’une manière formelle, ce que nous aurions pu réclamer autrefois par suite d’une interprétation légitime. Telle est la concession qu’on nous a faite.

L’article 8 est la question délicate du traité. On ne saurait disconvenir que la faculté donnée à un navire de guerre de héler le bâtiment d’une autre nation, de l’interroger sur sa nationalité, d’arrêter sa marche dans certains cas, d’examiner ses papiers de bord, soit un droit exorbitant que la nécessité seule peut justifier. Il n’est pas moins évident que l’exercice d’un pareil droit exige de fortes garanties et peut donner lieu à des difficultés qu’il faut prévenir par les instructions les plus précises. Examinons donc l’article 8 et les instructions qui l’accompagnent.

Que dit l’article 8 ? Il pose en principe que le pavillon n’est que le signe