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tiens de Syrie ne sont pas plus énergiquement protégés par la France. Le ministre répond que la France doit ménager les droits de la Porte ottomane. Est-ce bien là tout le secret de la politique du ministère ? L’intérêt musulman est-il le seul qui neutralise les bonnes dispositions de M. Guizot à l’égard des populations chrétiennes du Liban ? Si les Druses sont vainqueurs, si le bras de la France ne s’étend pas pour protéger la cause des Maronites, faut-il s’en prendre seulement à la nécessité où se trouve M. Guizot de maintenir, dans l’intérêt de la France, la dignité et la nationalité de la Porte ottomane ?

Mais non ; là où nous devrions agir, nous restons neutres, et quand la neutralité nous serait nécessaire, nous agissons, nous intervenons, à la suite d’un intérêt étranger qui nous domine et nous entraîne hors des limites naturelles de notre action. M. Guizot pose en principe, dans la question du Texas, le système de neutralité. Il faut, dit-il, laisser à la population texienne une liberté entière. « Si elle veut s’annexer aux États-Unis, qu’elle le fasse ; si elle ne le veut pas, qu’elle reste libre de ne pas le faire. » Voilà des paroles sages et justes. Malheureusement on les dénature par l’application qu’on en fait. En même temps que l’on dit : La population texienne sera libre, on déclare qu’on pèsera sur elle par le poids de l’influence française, par l’expression publique de l’opinion de notre gouvernement, et la suite de cette déclaration ne se fait pas attendre. « Si le peuple texien veut conserver son indépendance, dit M. Guizot, non-seulement nous n’avons aucune raison de nous y opposer, mais je n’hésite pas à dire que la France doit approuver cette conduite et trouver que le Texas a raison. » Puis, ailleurs, M. Guizot ajoute : L’intérêt de la France est que l’indépendance du Texas se maintienne. L’intérêt de la France, en Amérique, est que les états indépendans demeurent indépendans : nous avons besoin de l’équilibre des divers états. » Cela est clair. Le principe d’une intervention diplomatique est nettement posé. Qu’on nous parle maintenant de la neutralité du gouvernement français dans la question du Texas. Demandez aux États-Unis ce qu’ils pensent de cette neutralité.

Au sujet de l’Espagne, M. Guizot déclare que l’abdication de don Carlos ne changera rien à la politique du cabinet. Sur ce point, la conduite du gouvernement a été tracée par les discussions des chambres. Il ne pourrait changer de système sans encourir une grave responsabilité.

Ainsi donc, de nouveaux embarras et de nouveaux périls à Taïti, une négociation rompue dans le Maroc, la Suisse mécontente, la Belgique enlevée à notre influence commerciale, l’intérêt français mal défendu en Syrie, la question du Texas mal engagée, voilà le cortège des difficultés qui accompagnent la rentrée triomphante de M. Guizot. Pour adoucir les couleurs du tableau, nous avons, il est vrai, l’affaire du droit de visite, heureusement conclue, grace à l’intervention des chambres. M. Guizot trouve cette situation magnifique. Il s’indigne qu’on ose la rabaisser. Il écrase de son dédain cette opposition mesquine et tracassière qui va répétant sans cesse que la politique