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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 juin 1845.


M. Guizot a repris son portefeuille. Ses amis disaient encore, il y a peu de jours, que le repos lui était nécessaire, et qu’il reprendrait les affaires après la session c’était un langage convenu. On voulait faire de la rentrée de M. Guizot un coup de théâtre, un grand évènement. La tentative n’a pas réussi. L’opposition a vu reparaître M. le ministre des affaires étrangères sans ressentir une vive émotion, et l’enthousiasme des bancs ministériels a été raisonnable.

Il n’est personne, cependant, même parmi les adversaires de M. Guizot, qui ne rende hommage à son magnifique talent. Pour les hommes modérés de tous les partis, le jour où la tribune française perdrait M. Guizot serait un jour de deuil. Pourquoi donc cette rentrée, préparée si habilement et précédée de si vives inquiétudes, n’a-t-elle pas été une ovation ? pourquoi tant de froideur, même chez des amis ? Cet accueil ne doit-il pas démontrer à M. Guizot les torts de sa politique ?

Au moment où M. Guizot reprenait les affaires, il était naturel que les questions extérieures fussent portées à la tribune, afin que le contact des opinions parlementaires vînt corriger la faiblesse et l’indécision habituelles du cabinet. Quand un ministère est faible, la force doit se trouver dans les chambres. Quand le pouvoir inspire peu de garanties, le devoir des chambres est de le surveiller sans cesse, de le harceler à la tribune, de le contraindre à s’expliquer sur tous les points, même sur les questions qui commencent. Cela peut avoir quelques inconvéniens diplomatiques ; mais entre deux dangers il faut choisir le moindre. Où en serait la France aujourd’hui si le cabinet du 29 octobre avait toujours été libre de suivre ses inspirations ? D’ailleurs, quand il le faut, une opposition éclairée sait prendre des ménagemens. Demandez aux ministres de l’Angleterre ce qu’ils pensent du langage de M. Billault ?