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C’est M. Belmontet qui a dit dans un de ses éloquens aphorismes rédigés en style qu’il appelle lapidaire :

La médiocrité n’a pas de longue haleine ;


M. Belmontet oublie qu’il ne procède guère que par distiques et par quatrains. Ces quatrains ont une grace et une distinction qui rappellent les devises de bonbons et les rébus d’almanach. Ce sont, pour la plupart, des moralités dans le goût de celle-ci :

Garde ton cœur avec constance
C’est là qu’est toute l’existence.


ou de celle-là :

Trop de bonheur, trop de malheur
Nous ôtent de notre valeur.


Plus loin se rencontre une observation oubliée par M. Droz dans son Essai sur l’Art d’être heureux :

Calme et n’avoir besoin de rien,
N’est-ce pas le suprême bien ?

Et qu’on ne croie pas que je mutile et que j’isole ces charmans distiques ; l’auteur les donne ainsi lui-même, séparés et à l’état d’apophtegmes. Le proverbial M. de Lapalisse en pourrait frémir de jalousie dans sa tombe. Quelquefois cependant M. Belmontet ne se contente pas d’enseigner au nom de l’expérience, il prophétise à la façon et dans le goût des Centuries de Nostradamus ; c’est le droit des bardes :

Petit ambitieux
Sera grand vicieux.


Malheur donc à tout écolier qui rêve un prix du grand concours ! c’est un signe précurseur de l’échafaud. Cette sentence ne figurerait pas mal dans une complainte de condamné ; le style même n’y gâterait rien. — Après l’homme, la société ; M. Belmontet ne manque pas de dire son mot sur la politique. Nous avons l’éloge de la démocratie, puis l’apologie des rois absolus :

Toujours le despotisme est la raison qui fonde.


La logique n’est jamais le côté brillant des poètes.

La première condition d’une maxime, c’est la clarté ; mais comme M. Belmontet ne se comprend pas toujours lui-même, il lui serait assez difficile d’être toujours intelligible. Aussi se contente-t-il souvent d’une banalité indécise qu’il reproduit bientôt après sous forme de variante confuse : c’est la sentence à l’état rudimentaire ; il ne manque qu’un professeur d’embryogénie pour l’expliquer. Ces simulacres d’idées s’agitent dans le vide sonore des mots. Ajoutez que, quand M. Belmontet n’est pas vulgaire jusqu’à la