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pas craint de violer la neutralité de son territoire pour se porter plus rapidement sur les positions des Autrichiens, commençait à prêter l’oreille aux pressantes instances des autres cours continentales, et prenait une attitude militaire qui semblait indiquer l’intention de renoncer enfin à la neutralité. L’empereur Alexandre s’était rendu à Berlin ; sa présence y avait ranimé l’ardeur du parti de la guerre ; le roi Frédéric-Guillaume, cédant enfin à l’entraînement de son peuple et de sa famille même, avait conclu avec lui, à Potsdam, une convention secrète qui préparait l’accession de la Prusse à la coalition, et déjà, comme premier gage de cette politique nouvelle, les Prussiens avaient occupé le Hanovre presque complètement évacué par les Français. Les alliés pouvaient donc concevoir encore de grandes espérances. L’Angleterre, en ce moment même, obtenait sur mer des avantages qui, sans être de nature à contribuer directement au succès de la coalition, compensaient au moins, dans l’intérêt particulier du cabinet de Londres, les désastres éprouvés en Allemagne par ses confédérés.

La guerre déclarée à l’Espagne par le gouvernement britannique avait eu pour premier effet de procurer à la marine française un auxiliaire qui lui avait permis de reparaître sur le champ de bataille avec des chances moins inégales. Ses escadres étaient sorties des ports Où, jusqu’alors, elles étaient restées bloquées. Réunies à celles de l’Espagne, elles s’étaient même montrées, sur plusieurs points, en nombre supérieur aux escadres britanniques. Les deux cours en avaient profité pour diriger sur les colonies anglaises des Antilles des expéditions dont le départ inattendu avait excité à Londres une grande frayeur, parce que les établissemens menacés étaient alors dépourvus de moyens suffisans de défense. Ces expéditions n’eurent pourtant d’autres résultats que la prise de quelques forts bientôt abandonnés et la rançon imposée à quelques îles. A l’approche des forces anglaises accourues d’Europe en toute hâte, les agresseurs s’empressèrent de lâcher prise. L’amiral français Villeneuve et l’amiral espagnol Gravina, vivement poursuivis par Nelson dont la présence, comme celle de Napoléon, suffisait pour fasciner et déconcerter ses adversaires, se crurent trop heureux de pouvoir, en traversant rapidement l’Océan, regagner le port de Cadix. L’amiral anglais Calder, qu’ils rencontrèrent auprès du cap Finistère, les attaqua, bien qu’avec des forces inférieures, et leur prit même deux vaisseaux ; mais comme il ne réussit pas à intercepter le reste, sa conduite fut sévèrement jugée par l’opinion publique, et un conseil de guerre devant lequel il fut traduit lui