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d’Irlande. Dans l’une comme dans l’autre, les membres les plus éminens des oppositions coalisées, lord Grenville, lord Spencer, lord Holland, Fox, Grattan, luttèrent d’éloquence pour faire triompher les réclamations des Irlandais. Le chancelier lord Eldon, le secrétaire d’état de l’intérieur, lord Hawkesbury, le procureur-général Perceval, et plusieurs partisans zélés du cabinet, les combattirent au contraire avec force. Pitt dut s’expliquer aussi. En reprenant la direction des affaires, il s’était vu forcé de sacrifier sur ce point important ses sentimens personnels à la volonté du roi et aux convictions de la plupart de ses collègues. On lui reprochait d’avoir, par là, désavoué son passé, et abandonné, dans un intérêt d’ambition, les principes pour lesquels il s’était vanté, quelques années auparavant, de quitter le ministère. Il mit toute son habileté à se disculper de cette accusation, qui avait produit sur beaucoup d’esprits une impression assez vive. Protestant de nouveau contre les théories absolues qui présentaient l’état des catholiques comme une iniquité monstrueuse et leurs demandes comme la revendication d’un droit naturel et incontestable, il déclara, ainsi qu’il l’avait déjà fait à une autre époque, que la suppression des incapacités auxquelles ils étaient encore soumis lui paraissait praticable depuis l’union de l’Irlande à la Grande-Bretagne, moyennant certaines dispositions qui, en donnant action au gouvernement sur le clergé romain, constitueraient une garantie pour la sûreté de l’église protestante. De cette appréciation générale et abstraite, il passa à celle des circonstances que la politique devait prendre en considération. Après avoir établi que, pour être utile et salutaire, la mesure devrait être prise d’un commun accord, il constata que pour le moment cet accord était impossible, que l’opinion publique était même généralement contraire à la proposition, et que la discussion dont elle deviendrait l’objet ne pourrait que produire une irritation dangereuse. Il se prononça donc pour le rejet des pétitions, que la chambre des communes repoussa en effet, à la majorité de 336 voix contre 124. La chambre des lords les avait déjà écartées, à la majorité de 127 voix contre 49. La question de l’émancipation des catholiques ne devait plus cesser, à dater de ce jour, d’occuper le parlement, et d’être pour les partis un des principaux champs de bataille, jusqu’à l’époque où elle recevrait enfin une solution favorable, mais cette époque était encore très éloignée, et un nouvel obstacle venait de s’élever, bien propre à affaiblir les espérances des amis de la justice et de la tolérance religieuse. Le prince de Galles, quoique rentré ouvertement dans l’opposition depuis que Pitt était revenu au pouvoir, se déclara