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à cet effet. Cette tentative audacieuse, renouvelée à plusieurs reprises, échoua complètement.

L’attitude défensive qui faisait peser sur l’Angleterre le fardeau de la guerre sans susciter à la France le moindre danger sérieux, ne pouvait convenir au génie de Pitt. Quelques mois s’étaient à peine écoulés depuis sa rentrée aux affaires que tout avait changé de face. Jusqu’alors l’Espagne, malgré l’alliance offensive et défensive qui la liait à la France, était restée étrangère aux hostilités. Le gouvernement français l’avait dispensée, moyennant le paiement d’un énorme subside, de lui fournir les secours en hommes et en vaisseaux auxquels l’obligeait le traité de Saint-Ildefonse, et le cabinet de Londres lui-même, informé de cet arrangement, avait jugé plus conforme à ses intérêts de ne pas y voir un motif de rupture. Le principal motif de cette tolérance singulière, c’est la crainte qu’il éprouvait d’exposer le Portugal, son allié, à une attaque que ce royaume n’était pas en état de repousser. Cependant, s’apercevant bientôt que l’Espagne n’observait pas scrupuleusement l’espèce de neutralité dans laquelle son gouvernement avait déclaré vouloir se renfermer, qu’elle se livrait à de grands préparatifs maritimes, et qu’elle donnait passage sur son territoire aux matelots envoyés pour renforcer les escadres françaises qui venaient relâcher sur ses côtes, Pitt fit entendre à la cour de Madrid de menaçantes remontrances. On y répondit d’une manière évasive et peu satisfaisante. En ce moment même, quatre frégates parties des colonies espagnoles traversaient l’Océan avec de riches cargaisons destinées à la métropole. On se persuada à Londres que le gouvernement espagnol n’attendait, pour manifester ses intentions hostiles, que l’arrivée de ce trésor en lieu de sûreté, et on résolut de le prévenir. En exécution des ordres donnés à cet effet, les frégates furent attaquées, le 5 octobre, à peu de distance des côtes d’Espagne. L’une des quatre périt en se défendant, les trois autres furent conduites en Angleterre, et, le 12 décembre, l’Espagne répondit à cette odieuse agression par une déclaration de guerre formelle.

La France acquérait ainsi un allié dont les forces navales, encore considérables malgré toutes les pertes éprouvées dans les guerres précédentes, pouvaient lui donner les moyens de lutter moins désavantageusement contre la supériorité maritime de l’Angleterre et faciliter même l’expédition préparée à Boulogne. Pitt, cependant, travaillait de tous ses efforts à détourner la menace toujours suspendue sur son pays en formant une nouvelle coalition continentale qui reportât sur la France les périls de la guerre. La politique suivie par le chef du