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mécontentement, Pitt fut admis en présence du roi. Comme il avait renoncé à reproduire le projet de l’émancipation des catholiques, qui avait été trois ans auparavant le motif ou le prétexte de sa retraite, comme sur tous les autres points de la politique pratique ses vues étaient en accord avec celles du monarque, aucune question de principe ne se mêla à la négociation. Les questions personnelles restaient seules à résoudre ; elles étaient graves. Pitt se crut obligé de demander que lord Grenville et même Fox entrassent avec lui dans le nouveau cabinet. Aux considérations générales qu’il avait déjà fait valoir pour démontrer les avantages de cette combinaison, il en ajouta de spéciales tirées du délabrement de sa santé, qui imposait, en quelque sorte, au roi le devoir de se concilier d’avance des hommes que peut-être une nécessité absolue l’obligerait bientôt à appeler dans son conseil. C’était lire dans l’avenir avec une singulière précision. Après quelques objections, George III consentit d’assez bonne grace à ce que lord Grenville fît partie du ministère ; mais les préventions qu’il nourrissait contre Fox ne purent être surmontées, et à toutes les instances de Pitt il opposa un refus tellement péremptoire, que celui-ci, ne jugeant pas convenable d’insister, se résigna, sans beaucoup de regret peut-être, à laisser le chef de l’opposition en dehors de ses arrangemens.

En sortant du cabinet du roi, Pitt fit annoncer à Fox et à lord Grenville le résultat de cette audience. Fox s’y attendait. Dès la veille, il avait remis à Thomas Grenville, frère de lord Grenville et leur intermédiaire habituel, une note par laquelle il les engageait l’un et l’autre, dans le cas où, comme cela était probable, le roi le frapperait lui-même d’exclusion, à accepter néanmoins les offres qui pourraient leur être faites. Loin de manifester aucun dépit en recevant la communication de Pitt, il répondit qu’il n’était plus d’âge à regretter bien vivement de ne pas être appelé aux fonctions publiques, mais qu’il avait des amis à qui il conseillerait de se rattacher au gouvernement, et qu’il espérait que Pitt leur ferait place dans son cabinet. Pitt, touché d’un procédé aussi franc et aussi généreux, s’empressa de lui faire demander un entretien pour s’entendre avec lui sur l’accomplissement du vœu qu’il venait d’exprimer. Fox y consentit, et l’entrevue devait avoir lieu le lendemain matin, quand Grey et les autres adhérens de Fox, pour qui il avait voulu stipuler, résolurent à l’unanimité de ne pas entrer sans lui dans l’administration ; lord Grenville, de son côté, fit, en termes secs et blessans, une déclaration conçue dans le même sens. L’entrevue projetée entre Pitt et Fox n’avait dès-lors plus