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la coalition. Le ministère qu’elle combattait avait fini par obtenir toute sa confiance. La douceur des manières d’Addington, son ton de respectueuse déférence, plaisaient à un monarque qui avait dû subir pendant vingt ans l’esprit de domination et les formes altières de Pitt. Il aimait, dans le chancelier lord Eldon, cet attachement instinctif, tenace, un peu aveugle aux idées et aux institutions anciennes, ces doctrines du pur torysme qui formaient le trait principal de sa propre politique. Fort mécontent de l’attitude que Pitt avait prise depuis quelques mois, il comprenait pourtant la nécessité de recourir à lui pour fortifier une administration évidemment trop faible ; mais il n’aurait voulu ni lui abandonner toute l’autorité, ni surtout admettre avec lui dans son conseil les nouveaux auxiliaires de cet homme d’état. Il eût désiré le réunir à Addington dans un même cabinet, et il paraît même que, plus d’un mois avant l’époque à laquelle nous sommes parvenu, lord Eldon était entré, à ce sujet, en communication avec l’ancien ministre. Ces tentatives n’avaient pas eu de suite, soit que l’état de la santé du roi les eût fait abandonner, soit qu’on eût reconnu l’impossibilité d’arriver à un résultat.

Pitt cependant n’avait pas rompu ses relations avec le chancelier. La veille du jour où il appuya avec tant de véhémence l’attaque de Fox contre le ministère, il avait écrit à lord Eldon pour le prier de remettre au roi une lettre par laquelle, en annonçant la démarche décisive qu’il se proposait de faire, il déclarait d’ailleurs qu’il n’avait d’engagement avec personne. C’était, en quelque sorte, provoquer des propositions qui ne se firent pas attendre. Addington ayant pris enfin la résolution de se retirer, le chancelier fut envoyé à Pitt pour l’inviter à former un ministère, et, après quelques pourparlers dont les détails ne sont pas connus, Pitt le chargea de mettre sous les yeux du roi un mémoire qui contenait le développement de ses idées sur le système à adopter. Suivant lui, le nouveau cabinet devait comprendre les chefs principaux des grands partis qui divisaient le parlement : c’était le seul moyen de donner au pouvoir la force dont il avait besoin pour soutenir au dehors une guerre terrible, destinée, suivant toute apparence, à durer bien long-temps encore, et pour conserver la tranquillité intérieure, menacée surtout par la situation de l’Irlande. De pareilles idées n’étaient rien moins que conformes à la pensée de George III. Aussi reçut-il avec humeur une communication qui lui parut également dépourvue de bon sens et de sincérité : c’est ainsi qu’il la qualifia dans un billet écrit à lord Eldon. Cependant, après un nouvel échange d’explications qui calmèrent ce premier