Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont le ministère avait à repousser les attaques. Cette objection était singulièrement déplacée de la part d’une administration dans laquelle Tierney siégeait à côté d’Addington : aussi donna-t-elle lieu à de dures répliques. La proposition de Fox finit par être rejetée, mais elle obtint une minorité imposante, 204 voix contre 256. Le surlendemain, dans un débat relatif à l’organisation de l’armée de réserve, le ministère, combattu également par Pitt et par Fox, n’eut qu’une majorité plus faible encore : M voix se prononcèrent en sa faveur, 203 en faveur de la coalition. Ce fut le signal de la mort du cabinet. Devant cette opposition si supérieure en force morale, et déjà presque égale en nombre, Addington comprit qu’il ne pouvait plus lutter. Le 30 avril, au moment où allaient s’ouvrir, dans les deux chambres, des discussions qui eussent reproduit les attaques dirigées contre le système des ministres, ceux-ci en demandèrent l’ajournement, en donnant à entendre qu’ils avaient remis au roi leurs démissions, et que des négociations étaient ouvertes pour leur trouver des successeurs.

Les esprits étaient dans une vive anxiété. On s’attendait généralement à la formation d’un cabinet pris dans les trois fractions parlementaires dont se composait la coalition, et qui eût, par conséquent, représenté tous les partis, toutes les opinions. On se rappelait qu’au commencement de la guerre de sept ans, c’était une combinaison semblable qui, en réunissant comme en un faisceau toutes les forces du pays, avait préparé les glorieux triomphes d’une lutte engagée d’abord sous des auspices assez défavorables. Un autre Pitt, un autre Fox, avaient alors mis fin à une longue rivalité et, par leur réconciliation, avaient rendu possible la formation d’un gouvernement qui fit la gloire et la, puissance de l’Angleterre. On se plaisait à penser que leurs enfans allaient suivre cet exemple, comme si les analogies apparentes des situations n’eussent pas caché d’énormes différences, comme si les rivalités personnelles qui divisaient cinquante ans auparavant les hommes d’état anglais en coteries mobiles et variables eussent eu le moindre rapport avec les grands et glorieux partis fondés depuis sur des oppositions radicales de principes et d’intérêts permanens, comme si enfin l’union du premier Pitt avec le premier Fox n’avait pas eu pour condition, de la part de celui-ci, une soumission entière, absolue, humiliante, que son illustre fils n’eût acceptée à aucun prix.

George III avait d’ailleurs d’autres pensées. Ce prince qui, dans les intervalles des accès de sa déplorable maladie, conservait une force de volonté, une suite d’idées et même une sagacité vraiment remarquables, était bien décidé à ne pas se livrer d’une manière absolue à