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du pouvoir, devait donc lui faire supposer que la majorité venait de donner à son système une sanction solennelle et de s’engager envers lui. Ce qui était vrai, c’est que ses nombreux adversaires n’avaient pas encore trouvé un terrain sur lequel ils pussent se coaliser.

Les opérations militaires avaient commencé. Une armée française commandée par le général Mortier avait pris possession du Hanovre sans aucune résistance. En Amérique, les Anglais s’emparèrent presque aussi facilement des îles françaises de Sainte-Lucie, de Tabago, de Saint-Pierre et Miquelon, et des établissemens hollandais de Demerari, d’Essequibo et de Berbice. Dans les Indes orientales, où l’Angleterre avait à lutter, non pas contre les forces de la France, mais contre une confédération de princes indigènes liés à ses intérêts, les victoires d’Arthur Wellesley, brillant prélude de ses grandes destinées, brisèrent cette confédération, procurèrent à la compagnie une immense extension de territoire, et achevèrent de placer la vaste péninsule sous son contrôle absolu. Sur les côtes mêmes de la France, Dieppe et Granville furent bombardés, aussi bien que quelques ports hollandais. Cette guerre engagée avec tant de passion n’avait pourtant donné lieu encore à aucun choc grave et décisif, parce qu’un véritable champ de bataille manquait aux parties belligérantes, parce que chacune des deux, dominant presque exclusivement sur l’élément qui lui est propre, n’avait aucun moyen d’y attirer son ennemie. La formation d’une nouvelle coalition continentale dirigée par le cabinet de Londres contre le premier consul, le débarquement d’une armée française en Angleterre pouvaient seuls leur permettre de se prendre enfin corps à corps. Les élémens d’une coalition n’étaient pas mûrs alors, bien que l’effroi excité par l’ambition de Bonaparte ne dût pas tarder à en développer le germe. N’ayant pas encore à se prémunir, sous ce rapport, contre un danger immédiat, le premier consul se livrait avec ardeur aux préparatifs, si souvent repris et abandonnés depuis quelques années, d’une descente sur le territoire britannique. Une nombreuse et belle armée était réunie au camp de Boulogne, où le général Soult lui donnait cette puissante organisation qui devait la mettre en état d’exécuter plus tard de si grandes choses sur un autre théâtre. La flottille destinée à la transporter se rassemblait à Boulogne même, et à Brest une forte escadre se tenait prête à couvrir ses mouvemens. Quoique les Anglais affectassent de parler de ces préparatifs avec une sorte de dédain, et de désirer même une tentative qui, selon eux, ne pouvait aboutir qu’à la ruine de l’ennemi, les dispositions défensives auxquelles ils avaient recours prouvaient combien