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Londres sans avoir arrêté aucune résolution, bien que disposé en apparence à céder sur ce point capital ; mais après avoir consulté ses collègues, il écrivit à Pitt que ces derniers se refusaient absolument à la concession qu’il exigeait. Les choses n’allèrent pas plus loin.

C’est d’après la version donnée par Pitt lui-même que nous venons de raconter cette négociation. La version d’Addington n’en différait que par un seul détail vraiment essentiel : il affirmait que Pitt lui avait fait les premières avances. Ces contradictions ne sont que trop ordinaires dans de semblables conjonctures, et il est facile de les expliquer, sans inculper la bonne foi d’aucun des intéressés, par l’intervention des intermédiaires subalternes qui, pour faciliter un rapprochement, exagèrent successivement à chacun les dispositions conciliantes de son adversaire. Quoi qu’il en soit, Pitt et Addington, blessés l’un et l’autre dans leur amour-propre, engagèrent, pour constater et rectifier les faits, une correspondance dans laquelle ils ne purent se mettre d’accord et qui acheva de les brouiller. Le roi, instruit de ce qui s’était passé par les informations nécessairement un peu partiales d’Addington, témoigna un mécontentement très vif contre l’ancien ministre, qui avait voulu, disait-il, mettre sa couronne en commission. Pitt connaissait trop bien George III pour n’avoir pas prévu que sa jalouse défiance s’effaroucherait de pourparlers ouverts à son insu dans le but de préparer un changement de cabinet : c’est probablement pour prévenir cet inconvénient que, par une précaution trop insuffisante, il avait exigé, avant d’entrer en explication, que les propositions formelles sur lesquelles on pourrait avoir à négocier vinssent du roi lui-même.

Il était désormais évident que, pour reprendre le pouvoir, Pitt devrait le reconquérir sur ceux qui l’exerçaient en ce moment et qu’il n’avait pas même à compter pour cela sur le concours de la volonté royale. Le plan qu’il s’était tracé et qui plaisait à son orgueil comme il convenait à ses habitudes d’homme de gouvernement, n’avait donc plus d’application possible. Tôt ou tard, comme il arrive infailliblement à ceux qui ont quitté la direction des affaires publiques sans y renoncer pour toujours, il allait se trouver jeté dans l’opposition.

Cependant tout espoir de conserver la paix avec la France avait disparu. L’ambassadeur britannique avait remis au gouvernement du premier consul un ultimatum qui demandait l’occupation de Malte pendant dix ans par les forces anglaises ; puis, pour en tenir lieu, la cession à l’Angleterre de l’île voisine de Lampedouse appartenant au roi de Naples, une indemnité en Italie pour le roi de Sardaigne dépouillé