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VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE À NINIVE.

empruntées aux deux pays voisins, celles qui sont matérialisées dans les grands symboles des taureaux à tête humaine, ou du lion et de la licorne immolés par une divinité protectrice du genre humain. Il en est de même si l’on envisage ces trois contrées sous le point de vue architectonique, et si l’on compare entre eux leurs monumens. En, effet, dans l’Inde, nous savons que les peuples les plus anciens habitaient dans d’immenses cavernes, et que, s’ingéniant pour en embellir quelques-unes au moyen du ciseau, ils en ont transformé un assez grand nombre en palais souterrains ou en temples, dont tous les murs étaient couverts de sculptures emblématiques. La partie supérieure de ces hypogées était soutenue par des colonnes et des piliers surmontés de corps de taureaux ou de lions, tandis qu’à l’entrée on voyait, sculptés en haut-relief, des éléphans ou des bœufs. En Égypte, après être sortis de leurs grottes toutes chargées de rois et de dieux de granit, les habitans ont construit les immenses palais de Thèbes, les temples de Denderah, ou les propylées de Karnak. Dans ces palais ou dans ces temples, les plafonds, composés de larges et longues pierres, étaient soutenus par un grand nombre de colonnes, dont les chapiteaux affectaient la forme renversée des branches du dattier, ainsi que les corniches qui couronnaient les murs. Si l’on compare les monumens égyptiens aux palais de Persépolis ou aux tombes de la nécropole des rois Achéménides, on reconnaîtra que celles-ci sont une imitation des souterrains de l’Égypte ou de ceux de l’Inde, on remarquera un rapport frappant entre les murs et les colonnes des salles de Tchehel-minar et les pylônes égyptiens à palmes recourbées, ou les piliers indiens terminés par les créations bizarres d’une imagination capricieuse. On ne peut donc pas dire que les anciens monumens de la Perse soient plutôt une imitation de ceux de l’Égypte que de ceux de l’Inde. Je pense que leur caractère participe de celui que le goût particulier des Égyptiens ou des Indiens a introduit dans leurs constructions. Les Perses, imitateurs des deux grands peuples civilisés avec lesquels leurs guerres les avaient mis en communication, ont su, avec la finesse de tact qui les distingue, mettre à profit les exemples qu’ils avaient puisés en Grèce pour donner plus de légèreté ou de grace aux parties de l’art qu’ils ont empruntées à l’Égypte, et pour achever avec plus, de délicatesse celles qu’ils ont imitées de l’Inde. Il en résulte que l’art persan du iiie siècle avant Jésus-Christ, qui semble original parce qu’il n’est la copie exacte de celui d’aucun de ces trois pays, tient cependant essentiellement de chacun d’eux.

Cette longue digression m’a semblé nécessaire pour établir que,