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puisque j’ai déjà dit que je n’avais retrouvé aucun fragment de pierre ayant pu appartenir à la couverture quelle qu’elle fût. Je pense, au contraire, que, si les Ninivites ont construit des voûtes, ils les ont construites en briques, et si ce système impose des conditions de solidité difficiles à remplir avec des matériaux de cette nature, néanmoins il comporte moins de science que des voussures en claveaux.

D’un autre côté, si l’on s’appuie sur les descriptions de certains monumens de l’Inde, on y entrevoit l’existence de voûtes, et même de coupoles dont l’âge paraît dépasser celui du palais conservé sous le village de Khorsabad ; je citerai notamment les grottes de Kennery, dans l’île de Salsette, où l’on voit une voûte faite de main d’homme, à une époque tellement reculée, que le nom du peuple qui la construisit reste un mystère. À Thèbes, dans le temple d’Ammon-Ra, que l’on fait remonter à l’an 1736 avant Jésus-Christ, on voit encore une voûte cintrée reposant sur des piédroits, comme auraient été celles de Ninive, et des voyageurs éclairés, parmi lesquels se trouve M. Champollion, dont le témoignage ne peut être récusé, supposent que le palais de Rhamsès était voûté. Un des préjugés qui portent à douter de l’antiquité de la voûte, c’est celui qui veut que l’art monumental découle exclusivement de l’Égypte, et qui en place la source au fond des souterrains habités par des peuples troglodytes. Je conviens, en effet, qu’au premier aspect les monumens de l’Asie occidentale, tant en Perse qu’en Assyrie, offrent quelque analogie avec ceux de l’Égypte, et cela tient sans doute aux rapports qui ne peuvent manquer d’exister entre des peuples de même origine dont la religion, émanant d’un principe commun, avait nécessairement pour représentation des symboles peu dissemblables. Ainsi, le bon et le mauvais génie se partageant l’empire du monde, cette idée, si naturelle dans des temps d’ignorance, a été commune à toutes les nations de l’antiquité, soit que les deux principes s’appelassent Osiris et Typhon chez les Égyptiens, soit qu’ils fussent invoqués sous les noms d’Ormuz et d’Arihmane par les Perses. Ces deux principes opposés étaient offerts à l’adoration des peuples sous des formes matérielles qui différaient entre elles par des nuances assez légères pour qu’au premier aperçu on leur crût la même origine. Ainsi, nous voyons, dans l’Inde, le taureau et l’éléphant, ou le lion, présentés comme emblèmes de la production, de la force, ou de la cruauté et du mal. En Égypte, nous retrouvons des sphynx gigantesques ou des divinités à têtes d’animaux, qui servent à désigner des vertus analogues. Si nous passons en Assyrie ou en Perse, nous y découvrons un mélange des idées