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se reposer et attendre. Ce n’est pas d’ailleurs sans une joie ironique qu’elle voit le roi des Français écrire à la reine Pomaré une lettre qui n’est pas reçue, et nos officiers de marine poursuivre cette reine d’île en île pour la supplier, sans succès, de vouloir bien leur accorder une audience, et mettre fin à toute mésintelligence entre la France et sa majesté. Quand on lit en France les détails de cette odyssée burlesque, le cœur se serre et se soulève. Il bat d’orgueil en Angleterre, où l’on sait fort bien qui se cache derrière la reine Pomaré, et pour qui sont en réalité tant de ménagemens et de faiblesses. Peut-être l’acte qui, en attendant le bon plaisir de Pomaré, institue un gouvernement provisoire, ne plaira-t-il qu’à demi ; mais, comme le remarque si bien l’illustre reine, le roi des Français a de bons et sages ministres, qui ont désavoué l’amiral Dupetit-Thouars, indemnisé Pritchard, et dont le dernier mot n’est peut-être pas dit. Que par les conseils de ses vieux et fidèles amis les Anglais, Pomaré daigne donc revenir à Taïti, et nul doute qu’elle n’y soit accueillie avec les égards dus à sa personne, avec les honneurs dus à son rang, et surtout à ses protecteurs. En attendant, M. le ministre des affaires étrangères nous annonce que, si de nouvelles difficultés surgissent, elles seront résolues comme l’ont été les précédentes. C’est une promesse flatteuse, et dont à Londres sans doute on lui saura beaucoup de gré.

La question du droit de visite vient d’être terminée, et la chambre va être saisie, non-seulement de la nouvelle convention, mais des instructions qui l’expliquent. Bientôt donc il sera possible de dire quelle est la valeur de cette convention, et si la question est bien ou mal résolue. Quoi qu’il en soit, je n’hésite pas à reconnaître qu’une solution, même médiocre, est préférable au provisoire des quatre dernières années. Outre qu’une négociation si compliquée, dans une affaire si simple, faisait jouer à la France un rôle ridicule, cette négociation avait encore, quant au système général de notre politique, les plus graves inconvéniens. C’était à la fois, pour le cabinet anglais, un moyen d’exiger des concessions, pour le cabinet français, un moyen de les faire et de s’en justifier ensuite devant les chambres. « Vous ferez ce qu’il vous plaira, disait le cabinet anglais ; mais si vous ne cédez pas, vous n’obtiendrez rien sur le droit de visite, et nous dirons tout haut que vos espérances sont vaines. — Vous nous désapprouverez, si vous le jugez convenable, disait le cabinet français ; mais, si vous le faites, vous détruirez vous-même toute chance d’arriver à la suppression des traités de 1831 et 1833. » Et