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en spiritueux, en rhum et eau-de-vie des îles anglaises, en fusils, en coutelas, en munitions de guerre ; de trois millions de livres de poudre qu’elle exportait chaque année, moitié au moins s’écoulait en Afrique : à Birmingham, plusieurs milliers d’ouvriers étaient employés exclusivement à fabriquer les fusils destinés à la traite, et en 1775 le Board of Trade insista avec force sur la nécessité de développer et d’encourager le commerce des armes à feu avec l’Afrique. La traite sous pavillon anglais dépassait de beaucoup celle qui se faisait sous les autres pavillons : 150 à 200 navires au moins y étaient employés, et exportaient annuellement de 40 à 60,000 noirs. Dans un livre publié à Liverpool et intitulé The Liverpool Memorandum, qui contient les renseignemens les plus étendus sur le commerce de ce port, se trouve une liste de tous les navires de Liverpool employés à la traite, avec le nombre de noirs que chacun d’eux a embarqués : on y voit qu’en 1753, 101 bâtimens de Liverpool introduisirent au-delà de 30,000 esclaves en Amérique, et d’après le nombre de vaisseaux employés par la compagnie africaine de Londres et le port de Bristol, on peut évaluer de 70 à 80,000 le nombre d’esclaves exportés la même année par l’Angleterre. Anderson, dans son Histoire du Commerce, porte à 100,000 le nombre des nègres traités alors annuellement par l’Angleterre, mais nous croyons ce chiffre exagéré, et il nous paraît plus sûr de s’en tenir à 60,000. Nous savons, en effet, par un relevé officiel, qu’en 1768 les Anglais embarquèrent sur la côte occidentale depuis le cap Blanc jusqu’au Rio-Congo 59,400 noirs, et qu’on évaluait à moitié de ce chiffre la traite faite par les autres nations ; l’exportation totale aurait donc été de 90,000. M. Pitt disait au parlement, en 1791, que la Jamaïque, dans les vingt années précédentes, avait reçu 150,000 nègres, et que ce n’était là que le dixième de la traite sous pavillon anglais : celle-ci se serait donc élevée à 75,000 nègres. La guerre d’Amérique vint arrêter les progrès de la traite anglaise : c’est à cette époque que les Portugais commencèrent à se livrer à ce trafic, auquel ils prirent bientôt une part importante. Suivant un rapport présenté au ministère anglais par le commerce de Liverpool, en 1787, la traite atteignait le chiffre de 100,000 et se répartissait ainsi entre les divers pavillons.


Angleterre 38,000
France 31,000
Portugal 25,000
Hollande 4,000
Danemark 2,000

Le prix d’un nègre, en Afrique, variait alors de 75 à 375 francs, et