Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1052

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chemin de fer. Encore une fois, il y a entente toutes les fois que la question d’humanité est seule posée à Constantinople ; il y a dissidence toutes les fois que, de près ou de loin, il s’y mêle une question politique : j’ajoute que, de temps à autre, cette dissidence se manifeste par des actes et par des paroles dont la France a justement à se plaindre.

Dans le discours du trône comme dans l’adresse de 1844, l’Espagne, on s’en souvient, partageait avec la Grèce l’honneur d’une mention spéciale. Rivalité d’influence, rivalité d’intérêts, tout, dans ce pays, semblait avoir complètement disparu, et l’union la plus touchante venait pour la première fois succéder à une lutte séculaire. Il serait bon de savoir ce qu’en pense aujourd’hui M. le ministre des affaires étrangères. Ce n’est pas qu’à Madrid la querelle ait éclaté comme à Athènes, et que M. Bulwer ait imité les procédés un peu vifs de M. Lyons. Il n’en est pas moins certain que sur tous les points, ou peu s’en faut, les deux légations ont agi en sens inverse. Cela est naturel, et il était aisé de le prévoir au moment même où M. Guizot préconisait l’entente. L’Angleterre a soutenu Espartero jusqu’à sa chute, parce qu’Espartero lui promettait pleine satisfaction. Mais l’Angleterre est loin d’avoir une politique chevaleresque, et les puissances déchues, quand elles ne sont plus bonnes à rien, ne conservent pas long-temps ses prédilections et son appui. Après quelques honneurs rendus à Espartero, après quelques belles phrases prononcées sur sa tombe, l’Angleterre s’est donc crue quitte envers lui, et n’a pas tardé à trouver que son heureux rival avait du bon. Est-il besoin de dire que cette nouvelle attitude du cabinet anglais a bientôt reçu sa récompense, et que l’influence de la France, comme d’habitude, a payé les frais de la réconciliation. Ces jours derniers, le plus important des journaux anglais, le Times, en faisait l’aveu avec une singulière naïveté. « Après tout, disait ce journal, le gouvernement de Narvaez et de Martinez de la Rosa est le meilleur qui ait existé depuis la mort de Ferdinand. On pouvait craindre dans ce pays qu’il ne fût trop favorable à, la France ; mais il n’a pas tardé à se laver de ce reproche. » Ce qu’il y a de triste, c’est que malgré cela, par une étrange fatalité, la France, bien plus que l’Angleterre, est restée associée, dans l’opinion publique, à toutes les fautes, à toutes les violences du cabinet espagnol.

Voici donc en Espagne quelle est aujourd’hui la situation respective des deux pays et des deux cabinets. Le parti auquel l’Angleterre a toujours accordé toutes ses sympathies est tombé il y a dix-huit mois, non