« Après cette expédition, la Victorieuse est partie pour Manille, où elle a encore trouvé la frégate la Cléopâtre, le bateau à vapeur l’Archimède, et l’amiral Cécille, commandant de la division, qui faisait ses préparatifs pour aller à Basilan. L’amiral, en arrivant à Manille avec M. de Lagrenée, le 15 décembre, y avait appris la première partie des évènemens que je vous ai rapportés, et s’était aussitôt déterminé à partir pour les lieux qui en avaient été le théâtre. La construction de quelques bateaux plats nécessités pour un débarquement par la nature des lieux ayant exigé trois semaines, l’amiral n’a pu mettre à la voile que le 8 janvier, avec l’Archimède. La Victorieuse est partie peu après. On ignore le but ultérieur de l’expédition et s’il y aura autre chose qu’une vengeance complète. M. et Mme de Lagrenée, ainsi que la plus grande partie de la légation de France en Chine, sont embarqués sur la Cléopâtre et l’Archimède, qui doivent aller ensuite les promener à Batavia.
« Notre ambassadeur trouve fort commode de se promener ainsi sur les bâtimens de l’état ; c’est un cadeau de 200,000 francs qu’on lui a fait en lui donnant la mission de Chine. Aussi se propose-t-il de retourner en France par le cap Horn. En attendant, l’Angleterre étend et affermit chaque jour sa puissance dans ces parages. Hong-Kong prend un accroissement prodigieux, et cependant on dit aussi que les Anglais veulent garder la grande île de Chusan. On leur laissera prendre le monde entier ; mais la pyramide finira par tomber. Avec quelle insolence ils parlent de notre marine et du prince de Joinville !
« Les Espagnols avaient par hasard à Manille une frégate de 50 canons qu’ils ont dépêchée au sud avec des troupes, quelques jours avant le départ de la Cléopâtre. Ils pourraient avoir leur mot à dire dans cette question, et sont inquiets des projets qu’on attribue depuis long-temps à la France sur l’île de Mindanao et les groupes voisins. Quoi qu’il en soit, toutes ces îles, qui sont des repaires de féroces pirates, méritent de fixer l’attention des puissances maritimes ; l’Angleterre ne se fait pas faute d’y ordonner souvent des exécutions terribles, et finira sans doute par y prendre quelque position. Nous pourrions en faire autant ; mais il faut bien choisir et ne pas reculer si l’on commence.
« P. S. La Victorieuse et la Sabine ont tiré vengeance de l’attentat du 1er novembre. L’assassin de M. de Maynard a été mortellement blessé dans l’affaire du 17. C’est au moins ce que l’on a dit partout aux deux corvettes, qui, après cette expédition, ont fait le tour de l’île et ont revu des marques