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Dès que le vote a été connu, ils ont fait éclater leurs transports ; rien n’a pu arrêter l’explosion de leur joie bruyante, et bientôt on les a vus dans la salle des conférences prodiguer à leurs députés les témoignages de la reconnaissance la plus vive. Voilà les émotions et les intérêts du temps. L’embranchement de Fampoux, objet de ce triste enthousiasme, avait soulevé de vifs débats. Il devait avoir pour résultat d’aggraver les charges de la ligne principale. Aussi, après le vote, la commission a porté à trente-huit ans le maximum de la durée de concession, qu’elle avait primitivement fixé à trente-trois. Mais voyez la logique et la hardiesse du ministère. M. Dumon, originairement, avait demandé dans son projet de loi le chiffre de quarante-cinq ans. Pour être conséquent avec lui-même, il aurait dû élever ce chiffre après le vote de l’embranchement. Au lieu de l’élever, il l’a réduit. Il a proposé le chiffre de quarante-un ans, qui a été adopté par la chambre. Voilà ce qui s’appelle avoir des convictions et les soutenir.

Si nous voulions citer un autre exemple de cette fidélité du cabinet à ses principes, et de la persévérance qu’il met dans la défense de ses projets de loi, nous parlerions de la singulière discussion que le sésame a soulevée ces jours derniers à la chambre des pairs. On se rappelle qu’au Palais-Bourbon M. le ministre du commerce, d’accord avec la commission, demandait pour le sésame un droit de 5 francs 50 centimes, que la chambre a porté à 10 francs, en adoptant l’amendement de M. Darblay. Au Luxembourg, les rôles se sont trouvés intervertis : c’est le ministère qui a soutenu le chiffre de M. Darblay, pendant que la commission opposait au ministère le chiffre de 5 francs 50 centimes qu’il avait primitivement défendu. Bref, le chiffre de 10 francs a prévalu. Est-ce un succès, est-ce un échec pour le cabinet ? La question est encore indécise pour nous. Cela ne nous empêche pas, d’ailleurs, de rendre toute justice aux intentions loyales de M. le ministre du commerce, et au zèle éclairé qu’il apporte dans la direction des affaires de son département.

La chambre des députés, outre le chemin de fer du Nord et les crédits d’Afrique, a discuté durant ces derniers jours plusieurs questions importantes. Elle a voté sur les justices de paix une loi depuis long-temps désirée. On sait qu’en vertu de la législation actuelle, les juges de paix, en dehors de leur traitement fixe, reçoivent des vacations, ce qui leur ôte une partie de leur caractère judiciaire. La loi nouvelle fait cesser cette anomalie ; elle remplace les vacations par une augmentation de traitement. On ne peut dire cependant que cette loi sera juste pour tous ; elle consacrera des inégalités temporaires. Sur certains points, l’augmentation de traitement ne viendra pas compenser la perte des vacations ; il en résultera quelques froissemens isolés, que l’on eût pu faire cesser par des indemnités viagères. Malheureusement la chambre est d’une réserve extrême dès qu’il s’agit de traitemens ; elle veut bien que les compagnies gagnent des millions dans les chemins de fer, mais elle dispute souvent le nécessaire aux serviteurs de l’état. C’est là son système d’économie.