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âges reculés. Quelques communications faites à l’Académie des Sciences nous présentent un exemple de l’utile influence que ces deux genres d’étude peuvent avoir l’un sur l’autre.

La plupart des restes fossiles consistent seulement en quelques débris isolés. Le plus souvent le corps des animaux dont ils firent partie a été désagrégé par l’action des agens extérieurs, et ses élémens dispersés ne présentent que rarement la position qu’ils occupaient pendant la vie. Quelquefois cependant on trouve des squelettes dont les diverses parties ont conservé leurs anciens rapports. Les poissons surtout nous offrent ce fait remarquable sur une grande échelle. Dans les calcaires d’Aix, d’OEningen sur les bords du Rhin, de Sohlenhofen en Bavière, on trouve très souvent en place jusqu’aux parties solides les plus délicates. Ces habitans des mers de l’ancien monde sont couchés sur le plat, et ne semblent même pas avoir été comprimés. Pour expliquer ce fait, il faut admettre qu’à un moment donné toute la population icthyologique de la contrée a été frappée de mort, et s’est trouvée en même temps ensevelie dans une roche dont les élémens étaient alors à l’état liquide ou pâteux.

Pour expliquer cette mortalité subite d’un grand nombre de poissons,.M. Blanchet de Lausanne s’est appuyé sur le fait suivant. La pierre qui renferme les poissons fossiles de diverses localités répand une forte odeur d’œufs pourris due à l’exhalation du gaz hydrogène sulfuré. C’est la présence de ce gaz déterminé par une cause quelconque qui, d’après M. Blanchet, aurait amené la mort de ces milliers de poissons que nous présentent les calcaires de la Provence et de quelques autres contrées.

A l’appui de cette théorie, M. Blanchet cite un fait qui ne manque pas d’intérêt. Avant 1830, les eaux du port de Marseille, bien que recevant les égouts de la ville, étaient assez pures pour nourrir plusieurs espèces de poissons ; on y prenait un grand nombre de bars et de mugiles. Il y a quelques années, tous ces poissons périrent instantanément ; on les vit flotter asphyxiés à la surface de l’eau, et en même temps se manifesta une forte odeur d’hydrogène sulfuré qui n’a jamais disparu depuis. Aujourd’hui, l’intérieur du port de Marseille a perdu ses anciens habitans, et l’on ne trouve plus de poissons qu’à son entrée, à une distance assez grande pour que l’eau se renouvelle facilement.

La production de cet hydrogène sulfuré tient, selon M. Blanchet, à des infiltrations provenant des savonneries établies dans le voisinage. Les eaux qui en proviennent renferment des sulfates ; ces sels, se décomposant au contact des matières organiques en putréfaction que les égouts de la ville versent dans le port, dégagent en abondance ce gaz délétère.

De son côté, M. Agassiz, qu’on peut regarder comme le créateur de l’icthyologie fossile, a signalé une autre cause capable de faire mourir subitement tous les poissons d’une localité. Il a été le témoin d’un fait de ce genre dans la Glatt, petite rivière qui coule près de Zurich. A la suite d’un abaissement brusque et considérable de la température, tous les poissons périrent. Cette