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voulant probablement indiquer par cette modification d’un mot bien connu que le parallélisme n’est pas parfait, et que pour le conserver il ne faut pas pousser trop loin la comparaison entre les termes correspondans des diverses séries. En effet, pour M. Isidore Geoffroy, les classifications fondées sur cette manière d’envisager les rapports des animaux entre eux ne sont qu’un premier degré d’approximation vers la vérité, un moyen à l’aide duquel on exprime seulement un certain nombre de ces rapports, mais nullement leur ensemble.

Cette communication de M. Isidore Geoffroy a de l’importance en ce qu’elle prouve qu’avec presque tous les autres naturalistes modernes il repousse l’idée d’une échelle zoologique, d’une série unique s’étendant de l’homme à l’éponge, et dans laquelle chaque animal serait nécessairement inférieur à celui qui le précède, supérieur à celui qui le suit. Cette doctrine, empruntée à la philosophie de Leibnitz, propagée principalement dans le siècle dernier par Bonnet, naturaliste de beaucoup de mérite, a dû disparaître devant les progrès de la science, et Cuvier l’a parfaitement caractérisée quand il l’a appelée une des plus fausses et des plus nuisibles aux progrès de la zoologie. Aussi avons-nous vu avec grand plaisir M. Isidore Geoffroy se prononcer hautement contre elle et rentrer ainsi dans l’arène des grandes questions zoologiques, d’où paraissaient l’avoir écarté depuis long-temps des travaux purement descriptifs. Nous espérons que ce ne sera là que le prélude de publications plus sérieuses encore. M. Isidore Geoffroy est un des représentans naturels de la zoologie philosophique. À ce titre, il ne saurait demeurer oisif ou indifférent au mouvement qui s’accomplit autour de lui. Noblesse oblige, disaient nos pères, et un naturaliste qui porte le nom de Geoffroy Saint-Hilaire n’a pas le droit de dérober son temps à la science, fût-ce même pour remplir de la manière la plus distinguée des fonctions administratives.


Le vaste embranchement des mollusques, qui comprend presque tous les animaux vulgairement connus sous le nom de coquillages, les limaces, les colimaçons, etc., a été depuis quelque temps l’objet de travaux considérables qui intéressent à un haut degré la physiologie générale. Cuvier et, d’après lui, tous les zoologistes, avaient admis que chez ces animaux la circulation se faisait dans un système de vaisseaux clos de telle sorte que le sang parti du cœur parcourait d’abord les artères, traversait un réseau capillaire, arrivait à l’organe respiratoire par l’intermédiaire des veines, et enfin revenait à son point de départ sans être sorti de cette suite de canaux se continuant les uns les autres. Cependant Cuvier lui-même avait trouvé dans un grand mollusque de nos côtes, l'aplysie, des communications directes entre cet appareil circulatoire et la cavité où sont logés les viscères. Il avait signalé ce fait comme un des plus extraordinaires que lui eussent montré ses études. Plus tard, M. Milne Edwards, étudiant par transparence, à l’aide d’un microscope, les ascidies, autres mollusques de nos mers, avait annoncé que chez