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Une colonne d’air dont la base aurait un hectare d’étendue, et qui s’élèverait jusqu’aux limites de l’atmosphère, pèserait 103,300,000 kilogrammes. Elle renfermerait environ 61,980 kilogrammes d’acide carbonique, et par conséquent 16,902 kilogrammes de carbone. Or nous venons de voir qu’un hectare de forêt fixe annuellement un peu plus de 1,800 kilogrammes de cette substance, ou environ la neuvième partie du carbone renfermé dans la colonne d’air correspondante. Par conséquent, si le globe tout entier était couvert de forêts semblables à celle que M. Chevandier a étudiée, et que l’acide carbonique ne se renouvelât pas, neuf années suffiraient pour que l’atmosphère fût complètement dépouillée d’acide carbonique.

Dans les Vosges, la végétation ne commence guère que vers la fin d’avril ; elle s’arrête à la fin de septembre, et par conséquent son action ne s’exerce que pendant cinq mois de l’année. Sous les tropiques, la végétation ne se ralentit jamais. Favorisée par une température toujours élevée, par une lumière éclatante, par une humidité constante, par des pluies orageuses chargées d’acide nitrique et d’ammoniaque, elle déploie une activité dont rien sous notre ciel tempéré ne saurait donner une idée. L’étude du rendement moyen de forêts placées dans ces circonstances serait des plus intéressantes pour l’histoire de notre planète. Elle seule pourrait fournir les élémens d’un calcul destiné à reconnaître, même approximativement, ce qui a dû se passer dans la période de formation des houilles. Néanmoins, les chiffres que nous avons cités plus haut justifient pleinement la théorie soutenue d’abord par M. Adolphe Brongniart. Ils nous autorisent à croire avec ce savant botaniste que les végétaux ont eu un rôle des plus importans dans l’assainissement de notre atmosphère, et qu’en s’emparant de l’acide carbonique, ils ont rendu l’air respirable pour les espèces animales.

L’explication de l’origine des houilles par l’accumulation des débris végétaux d’une antique flore aujourd’hui éteinte est déjà assez ancienne dans la science ; mais on peut dire qu’elle n’a acquis un haut degré de probabilité que depuis les travaux de plusieurs naturalistes modernes, parmi lesquels doivent être mis en première ligne MM. Adolphe Brongniart et Élie de Beaumont. Ce dernier a recherché quel serait le temps nécessaire pour qu’une forêt semblable à celles de nos climats donnât naissance à un dépôt capable de former une couche de houille d’une certaine épaisseur. Prenant pour point de départ la pesanteur spécifique moyenne du bois et celle de la houille, il a déterminé le degré de condensation nécessaire pour que les tissus ligneux. atteignissent la densité du charbon de terre. Par conséquent, il a pu reconnaître quelle diminution de volume serait la suite de cette condensation. M. Élie de Beaumont a conclu de ces calculs qu’un taillis bien garni’ réduit en houille formerait une couche de deux millimètres d’épaisseur environ, et que la plus belle futaie donnerait à peine six millimètres de houilles.

M. Chevandier est parti de données tout-à-fait différentes pour résoudre le même problème. Il a comparé les proportions de carbone que renferment le