Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1001

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mis son appareil à l’abri des variations de température, qui, en dilatant ou en condensant l’air extérieur, auraient pu tantôt faire trembler devant un danger chimérique, tantôt inspirer une sécurité trompeuse. Un aimant, disposé au-dessous du ballon aérien et agissant sur une plaque légère de fer doux, a communiqué aux mouvemens de l’instrument la force nécessaire pour faire partir la détente de la sonnerie. Enfin le gazoscope jouit d’une sensibilité telle. qu’il annonce la présence dans l’air de 1/170 d’hydrogène carboné, et corme l’explosion n’a pas lieu avant que ce gaz se trouve mélangé dans une proportion treize fois plus considérable avec l’air atmosphérique, on voit que le danger est signalé long-temps avant qu’il existe réellement.

Pour que le gazoscope rendit tous les services qu’on peut attendre de lui, il fallait que la sonnerie qui joue le rôle de cloche d’alarme fût à l’abri de l’action corrosive des émanations de la mine ; il fallait de plus qu’elle se fît entendre pendant un temps assez long pour qu’après le chômage d’un ou deux jours qu’entraînent le repos du dimanche et les fêtes du lundi, les ouvriers, avant de reprendre leurs travaux, pussent interroger la sentinelle chargée de veiller pendant leur absence. Les mouvemens d’horlogerie ne pouvaient atteindre ce double but. Ils ont été remplacés par un long cylindre que fait tourner une corde enroulée et chargée de poids, et qui par une de ses extrémités correspond à un système très simple d’engrenages. Ces derniers règlent le mouvement d’un marteau frappant sur une grosse cloche.

On voit que ce mécanisme n’est autre chose que celui de l’ancien tourne-broche de nos pères ; mais pour que son action se continuât pendant soixante-douze heures, limite que les ingénieurs des mines avaient assignée à M. Chuart, il fallait que la corde motrice eût une grande longueur, et dès-lors elle ne pouvait se dérouler en entier dans les galeries des mines. Cette difficulté a été vaincue par un procédé très ingénieux. Des cordelettes sont attachées d’espace en espace à la grosse corde. A chacune d’elles tient un boulet qui se loge dans l’intérieur même du cylindre où il est retenu par une soupape que la grosse corde enroulée maintient en place. Le tout est disposé de telle sorte, qu’au moment où le premier boulet touche terre, le second est mis en liberté, et ainsi de suite jusqu’au dernier. A l’aide de cette disposition, on peut faire dérouler une corde d’une longueur quelconque sous les voûtes les moins élevées, et par conséquent faire durer le bruit de la cloche aussi long-temps qu’on le désire.

En plaçant plusieurs appareils dans une même mine, en variant le timbre et le rhythme des sonneries, on voit que deux jours après toute cessation de travaux, il suffira, avant d’entrer dans la mine, d’écouter quelques instans pour savoir à quoi s’en tenir sur l’état de son atmosphère. Si les cloches sont muettes, on peut descendre sans crainte. Il ne s’est pas dégagé d’hydrogène. Si l’une d’elles se fait entendre, la nature du son indiquera le point qu’il faut aérer, et, en y concentrant tous les moyens de ventilation dont on dispose, on chassera sans trop de peine l’ennemi dont le gazoscope aura signalé la présence. Il est presque inutile d’ajouter que l’appareil de M. Chuart trouvera sa