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Toutefois, à défaut d’autres témoignages, c’est à ces incendies eux-mêmes, causes premières de notre ignorance, que nous allons demander d’utiles révélations. S’ils nous ont enlevé les moyens d’obtenir des notions complètes et certaines, ils vont nous fournir au moins des données indirectes, qui nous permettront, d’établir approximativement l’âge des principales constructions dont se compose la cathédrale.

En effet, grace à un heureux hasard, les dates de ces divers incendies nous ont été conservées par des autorités nombreuses et sûres. Nous ne parlons pas de celui qui détruisit, dit-on, presque toute la ville du temps de saint Éloi, et qui ne put être éteint que par un signe de croix de sainte Godeberte ; nous nous transportons dans une époque moins merveilleuse, et nous voyons, en 1131, la ville, l’église Notre-Dame, l’évêché et tous les monumens publics dévorés subitement par les flammes au milieu de la nuit, et sans qu’il soit possible d’arrêter l’embrasement. Le pape Innocent II était alors en France ; il venait de sacrer Louis-le-Jeune à Reims, et, après la cérémonie, le nouveau roi et le pontife s’étaient rendus à Crépy, dans le château de Raoul, comte de Vermandois. On avait fait de magnifiques préparatifs pour les recevoir, mais à peine étaient-ils arrives, qu’ils virent accourir, plein de trouble et de tristesse, l’évêque de Noyon, Simon, frère du comte de Vermandois. Il apportait la fatale nouvelle de l’incendie de son église, et venait implorer le saint-père pur qu’il l’aidât à réparer un si grand désastre. Innocent II se rendit à sa prière, et, dans une lettre qui nous a été conservée, il exhorte les archevêques de Rouen, et de Sens à venir au secours de l’église de Noyon, et à lui procurer l’assistance de tous les évêques, abbés, clercs, barons et autres fidèles de leurs provinces.

Cet incendie de 1131 produisit une grande sensation. Guillaume de Nangis en fait ainsi mentions dans sa Chronique générale : « Anno MCXXXII, tota ferè civitas Noviomensium cum ecclesia Sanctae-Mariae et episcopio incendio flagravit. » Il n’est pas une chronique contemporaine, pas une histoire de Picardie, écrite postérieurement, qui ne parle de ce désastre. Il faut que les effets en aient été bien terribles pour avoir fait une si vive impression à une époque où de tels évènemens se renouvelaient, pour ainsi dire, chaque jour.

Vingt-un ans après ce premier incendie, en 1152, la ville devint de nouveau la proie des flammes : « Quo praesidente anno 1152 fuit « incendium generale totius civitatis. » Ce sont les expressions de Democharès. Un autre écrivain, Desrues, dans ses Antiquités des villes