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Plus son architecte présente de remarquables anomalies, plus il importerait de pouvoir fixer avec certitude les dates auxquelles se rapporte chaque partie de sa construction.

Malheureusement c’est là une utopie qu’il n’est guère permis de réaliser. Des traditions incertaines, des documens contestables, des archives presque muettes, des historiens peu clairvoyans, voilà les ressources dont nous pouvons disposer.

Ce n’est pas une raison pour nous abstenir.

Nous chercherons d’abord s’il est réellement impossible de découvrir des renseignemens clairs et certains.

Si nous n’en trouvons pas, nous nous adresserons à des faits en apparence étrangers à notre sujet, mais d’une certitude incontestable, et nous verrons s’ils ne pourraient pas nous servir de jalons pour déterminer d’une manière générale les dates dont nous avons besoin.

Enfin nous interrogerons le monument ; nous lui demanderons d’achever lui-même son histoire, après avoir essayé toutefois de démontrer que ce mode d’investigation n’a rien d’arbitraire ni de chimérique, et qu’il constitue une science, encore à son début, il est vrai, mais qu’une saine méthode peut asseoir sur les bases les plus solides.

Nous aurons atteint notre but si nous prouvons par un exemple, quelque imparfait qu’il soit, qu’il ne faut pas désespérer d’établir approximativement l’âge de nos anciens monumens, lors même que les documens écrits semblent muets sur leur compte, ou, ce qui est encore pis, n’en parlent que pour accréditer de fausses et ridicules traditions.


II

Avant tout, il faut jeter un coup d’œil sur le monument tel qu’il est aujourd’hui.

Du haut des anciens remparts de Noyon, remparts dont il n’existe plus que d’informes débris, on voit s’élever au-dessus des toits et des fumées de la ville deux puissantes tours carrées., flanquées chacune à leurs quatre angles d’épais et robustes contreforts. Ces tours ne s’élancent pas en pyramides, elles sont presque aussi larges au sommet qu’à la base ; elles ne sont pas couronnées par des flèches légères, leur toiture en ardoise est courte et ramassée. Tout en elles est sombre et sévère comme la couleur des pierres dont elles sont construites ; elles semblent placées là plutôt pour défendre la ville contre l’ennemi pour renfermer les cloches qui appellent les fidèles à la prière.