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ce fut pour un grief personnel. En rentrant dans le parti whig, il n’y trouva pas le même accueil qu’autrefois ; et soit rancune contre M. Clay, soit dépit qu’on n’eût point pensé à lui pour la présidence ou la vice-présidence, il sembla entreprendre une campagne électorale pour son propre compte. Flattant la fraction la plus exaltée des whigs, il se montra opposé à toute concession, exagérant, comme à plaisir, les doctrines du parti, attaquant avec passion l’annexion du Texas, et évitant surtout de prononcer même le nom de M. Clay. Ce n’est qu’au dernier moment, lorsque déjà le coup était porté, et la cause commune compromise, qu’il se décida à faire une seule fois, et en termes assez froids, l’éloge de M. Clay, et à le recommander aux suffrages des whigs.

La défection de M. Webster n’était pas la seule que devaient éprouver les whigs. Depuis long-temps le parti abolitionniste était en proie à des tiraillemens intérieurs, qui ont abouti enfin cette année à une scission complète. La fraction la plus considérable des abolitionnistes, sur les traces de Garrison, n’a point hésité à déclarer immorale et anti-chrétienne la constitution des États-Unis, comme autorisant l’esclavage ; elle a refusé de lui prêter serment et a renoncé à tous les droits qu’elle tient d’elle, excepté au droit de pétition qui est un droit naturel. En conséquence, elle a résolu de s’abstenir dans les élections L’autre fraction des abolitionnistes, qui s’intitule parti de la liberté, tout en restant dans la constitution et en voulant obtenir l’abolition par les voies légales, s’est prononcée contre le candidat whig et le candidat démocrate, parce qu’ils sont possesseurs d’esclaves, et a résolu de porter des candidats exclusivement abolitionnistes. Les whigs, qui ont constamment protégé l’Anti Slavery Society, et à qui elle doit ce qu’elle a acquis de pouvoir et d’influence, se sont irrités de cette position neutre prise par les abolitionnistes, et, sans songer au mal qu’une pareille séparation pouvait leur faire, ils ont attaqué les chefs abolitionnistes avec passion Ils auraient dû au contraire abandonner dans tous les états de la Nouvelle-Angleterre leurs propres candidatures locales pour soutenir celles des abolitionnistes, à la condition que ceux-ci porteraient à la présidence le candidat whig ; mais ils ne voulurent point de transaction. Les abolitionnistes mirent alors en avant leur propre candidat, M. Birney, contre lequel la presse whig s’est déchaînée. Elle n’a pas tardé à s’en repentir. Aux élections de 1840, le Maine, l’un des principaux états démocratiques, avait été conquis par les whigs à une faible majorité. Ce triomphe inattendu, en déconcertant les démocrates, avait contribué à la défaite de ceux-ci dans le New-York et la Pensylvanie. Cette année, les abolitionnistes ayant fait défection, les whigs ont perdu la majorité dans le Maine, et ce premier échec a été pour eux le signal de plusieurs autres.

Les démocrates tenaient dans le même temps une conduite bien différente. Malgré les préjugés nationaux et religieux, ils ne reculaient point devant une étroite alliance avec le clergé catholique. On sait qu’il suffit d’un très court séjour aux États-Unis pour y acquérir les droits de citoyen : les étrangers