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Que devons-nous penser de ce tardif hommage rendu par M. de Lamartine à la sagesse royale ? Est-ce le cri échappé à sa conscience ? Est-ce un remords ? ou bien est-ce la révélation d’un secret dégoût pour sa solitude depuis si long-temps respectée ? M. de Lamartine commence-t-il à s’ennuyer dans le désert, et voudrait-il qu’on lui rendît le service de l’en arracher !

Un mot encore, pour finir sur cet anathème lancé par M. de Lamartine contre le rapprochement des deux centres, rapprochement désiré par beaucoup d’esprits sages, comme le plus sûr moyen de prévenir des secousses dangereuses et de fortifier le parti conservateur. M. de Lamartine dénonce ce rapprochement comme une intrigue. Il lui refuser son concours. Cela ne nous surprend pas : l’opinion qu’on peut avoir des choses dépend souvent de la distance où l’on est placé pour les voir. Que M. de Lamartine n’aperçoive aucune différence entre le parti ministériel et le centre gauche, entre M. Guizot et les chefs des conservateurs dissidens, Comment sen étonner ? Quand on veut bouleverser la constitution, quelle différence peut-on faire entre ceux qui sont également décidé à la défendre ? Quand on attaque le gouvernement des quatorze années, pourquoi ferait-on des distinctions entre ceux qui se glorifient d’avoir soutenu ce gouvernement ? Quiconque ne veut pas abrogez la loi électorale, les lois de septembre, la loi des fortifications, la loi de régence, n’a pas les sympathies de M. de Lamartine. Il n’est pas surprenant dès-lors que l’honorable député de Mâcon repousse M Molé et M Thiers. Essaierez-vous de rappeler à M. de Lamartine qu’il n’a pas toujours été si formel dans ses exclusions ; que, par exemple, en 1837, il avait trouvé une différence notable entre le 6 septembre et je 15 avril, entre M.. Guizot et M. Molé ? Qu’importe cette contradiction de plus à M. de Lamartine ? Il y a long-temps que la date du 15 avril s’est effacée de ses souvenirs. Essaierez-vous de lui démontrer que l’intérêt de cette dynastie qu’il couvre d’injures et d’éloges à la fois est d’élargir en ce moment la base du pouvoir ; que le ministère affaibli par ses fautes ne peut plus contenir ni diriger sa majorité ; qu’il perd dans des transactions nécessaires à son existence les forces du gouvernement ; que le pays ami de la paix, déplore une politique qui a rendu la paix ni digne, ni sûre ; que les factions cherchent déjà à exploiter le mécontentement des esprits ; qu’elles se donnent rendez-vous aux élections prochaines ; que, pour répondre à cette situation difficile, le parti conservateur a besoin de nouvelles forces ; qu’enfin, si l’occasion se présente de faire avec le centre gauche une alliance honorable il doit s’empresser de la saisir, car l’occasion, négligée, aujourd’hui, pourrait échapper pour long-temps ? Direz-vous tout cela à M. de Lamartine ? que lui importe ? Des réformes, donnez-lui des réformes ; réveillez l’esprit révolutionnaire ; changez la constitution, et en même temps faites naître une guerre européenne : voilà ce qu’il faut à M. de Lamartine. Étonnez-vous donc, qu’il repousse M. Molé et M. Thiers. Si ces deux hommes avaient le malheur de mériter son appui, ne faudrait-il pas les plaindre au lieu de les féliciter ?

Nous avons dit que M. de Lamartine n’était pas venu seul au secours du