et le même nœud à sa cravate. Pour n’être pas précisément un aigle, c’était, à tout prendre, un esprit droit, une ame honnête, un cœur bien placé. Non-seulement il n’avait jamais trempé dans les intrigues de sa mère, mais, grace aux trésors d’intelligence et de perspicacité que lui avait départis le ciel, nous pouvons affirmer qu’il ne les avait même pas soupçonnées. Jusqu’à présent, il avait naïvement pensé, comme Hélène, que le vieux Stamply, en se dépouillant, n’avait fait que restituer aux La Seiglière des biens qui ne lui appartenaient pas, et qu’en ceci le bonhomme avait obéi seulement aux suggestions de sa conscience. Raoul ne s’était jamais, à vrai dire, beaucoup préoccupé de toute cette affaire, et n’en avait vu que les résultats, qui, pour parler net, ne lui déplaisaient pas. Pauvre, il avait eu de tout temps le goût de l’opulence, et n’imaginait pas qu’un cadre d’un million pût rien gâter à un joli portrait. Toutefois, il aimait Hélène moins pour sa fortune que pour sa beauté ; il l’aimait à sa manière, froidement, mais noblement ; sans passion, mais aussi sans calcul. Il savait d’ailleurs ce que vaut une parole donnée et reçue ; jamais le souffle des vils intérêts n’avait flétri sa fleur d’honneur et de jeunesse. En apprenant ce qui s’était passé durant son absence, la résurrection miraculeuse du fils Stamply, son retour au pays, son installation au château, ses droits incontestables, d’où résultait inévitablement la ruine complète du marquis et de sa famille, M. de Vaubert, comme on le peut croire, ne se livra point à de bien vifs transports d’allégresse ; son visage s’allongea singulièrement, et le jeu de sa physionomie n’exprima qu’une satisfaction médiocre ; mais lorsqu’après lui avoir montré le fond des choses, Mme de Vaubert demanda résolument à son fils quel parti il comptait prendre en ces conjonctures, le jeune homme releva la tête et n’hésita pas un instant. Il déclara simplement, sans effort et sans enthousiasme, que la ruine du marquis ne changeait absolument rien aux engagemens qu’il avait contractés vis-à-vis de sa fille, et qu’il était prêt à épouser, comme par le passé, Mlle de La Seiglière.
— Je n’attendais pas moins de vous, répliqua Mme de Vaubert avec fierté ; vous êtes mon noble fils. Malheureusement ce n’est pas tout. Le marquis, pour conserver ses biens, a résolu de marier sa fille à Bernard.
— Eh bien ! ma mère, répondit M. de Vaubert, qui ne laissa voir aucune émotion, si Mlle de la Seiglière croit pouvoir, sans forfaire à l’honneur, retirer sa main de la mienne, que Mlle de la Seiglière soit libre ; mais je ne cesserai de me croire engagé vis-à-vis d’elle que lorsqu’elle aura cessé la première de se croire engagée vis à-vis de moi.