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Qui travaille sous eux. Que d’hommes, aujourd’hui,
Paraissent grands, perchés sur l’épaule d’autrui !
On dit : Ces esprits-là sont sans cesse en gésine.
C’est qu’on ne connaît pas toute cette cuisine.
Le parrain, d’un ouvrage et l’auteur putatif
N’en est jamais le père et l’auteur effectif.
Ce ne sont que trafics, que fausses signatures,
Que déprédations, mensonges, impostures.
Les fameux aux petits servent de prête-nom.
Un ouvrage à présent, c’est l’enfant de Ninon,
Équivoque produit que chacun a pu faire,
Dont, à la courte-paille, il faut tirer le père.

Mais quel fâcheux éclat, quand les associés
D’après leur lot d’esprit veulent être payés,
Quand le maître, le chef, romancier, dramaturge,
Voit le menu fretin qui contre lui s’insurge,
Quand le commanditaire et le copartageant,
Ayant dans le travail fourni leur contingent,
Font valoir, à grands cris, suivant la loi marchande,
Le droit que leur assure aux parts du dividende
La copaternité de ce livre, leur fils,
Propriété qui reste à tous par indivis !
Toujours, l’instant venu de liquider les comptes,
De la littérature on voit à nu les hontes.
Ces contestations, ces ignobles débats,
Montrent que l’art d’écrire est descendu bien bas.
La justice est saisi : alors les procédures
Dévoilent au public des montagnes d’ordures ;
Le fond du sac se vide, et les colitigans
Se traitent sans façon de fripons, de brigands ;
On entend, à travers l’étrange dialogue,
Voler les démentis ; lancés d’une voix rogue :
C’est moi qui suis l’auteur ! — Ce n’est pas vrai ; c’est moi !
— Où donc est la droiture ? où donc la bonne foi ? .
Comme ça fait honneur aux choses littéraires !
Comme il est régalant d’avoir de tels confrères !
La Cour, presque toujours trouvant un écolier,
Qu’une illustration a voulu spolier,
Réduit cette dernière à sa portioncule,