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SATIRES.




I.
LES TRAFIQUANS LITTERAIRES.[1]




Soldats (c’est à mes vers que je parle en ces termes),
Soyez plus que jamais et résolus et fermes :
La circonstance exige un vigoureux effort.
Nous rentrons en campagne, et nous allons d’abord

  1. Les vices publics appellent la répression ; les grands scandales sont justiciables de la satire. Le moindre de leurs nombreux inconvéniens, et qui devient une nécessité dernière, c’est de forcer cette satire elle-même, qui les combat, d’aller sur leur terrain, et, en luttant contre eux, de les toucher, pour ainsi dire, à pleine main et corps à corps. Les anciens n’ont jamais reculé devant ce genre d’exécution : on sait l’audace de Juvénal. Nos aïeux gaulois ne reculèrent pas davantage, et Régnier osa dire en face aux hypocrites de son temps leur secret. Avec Boileau, la satire redevint plus purement littéraire, et les grands vices semblaient se soustraire à son ressort. Gilbert la refit audacieuse et directement sociale. Tout au commencement de ce siècle, il se publia quelques essais en vers contre les scandales de toute sorte légués par le Directoire, et les quatre Satires de Despaze furent, un moment, remarquées. A des excès d’un genre nouveau, mais qui, à certains égards, valent tous ceux du passé, il n’est pas inutile d’opposer des voix mâles, qui sachent parler haut, et surmonter au besoin les rumeurs des coalisés. C’est pourquoi nous n’hésitons pas à publier ces vers, où un poète honnête homme a rendu avec franchise des pensées qui ne sont que vraies.