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perles dont la richesse n’est égalée que par l’art qui a présidé à leur monture. Elle porte des boucles de diamans dont les feux aveuglent les regards. Elle lève les yeux ; les traits qu’ils lancent portent le trouble dans toutes les ames. Sa robe, dont les longs plis traînent jusqu’à terre, selon la mode française, est d’une étoffe de soie dont les nuances font pâlir les teintes de la prairie ; elle dessine les formes et les contours de la taille jusqu’à la ceinture ; de là : elle tombe à terre en tournoyant. Ses larges manches, crevées en mille endroits, sont réunies par des perles d’une grosseur extraordinaire… Le jeune époux porte des hauts-de-chausses et un pourpoint brodés d’or ; sur ce dernier est jeté un riche vêtement de cachemire, où resplendissent, en guise de boutons, mille diamans ; sa toque, surmontée d’un gai panache blanc, est, ainsi que son manteau, de la couleur de la neige. Il porte à son cou une médaille sur laquelle est gravée cette devise : Maintenant tout est peu. A son côté brille une épée dont le fourreau est de cristal, ouvrage sur lequel l’art a épuisé tous ses secrets. Son linge et ses gants répandent un parfum délicieux… » Nous avons dit que Corte Real unissait les talens du peintre à ceux du poète ; Barbosa Machado rapporte que de son temps la ville d’Evora conservait, comme preuve de l’habileté pittoresque du poète, un tableau représentant saint-Michel, placé dans la chapelle das Almas de la paroisse Saint-Antoine. Certes, en lisant les gracieux détails de la toilette demi-européenne et demi-orientale des deux époux, détails qui n’excluent pas l’étude plus importante des passions et des sentimens, il est aisé de reconnaître dans Corte Real, ainsi que l’a remarqué avant moi M Ferdinand Denis, tout à la fois un émule d’Ovide et un élève d’Antonio de Hollanda.

Quelques années s’écoulent, années de bonheur, qui donnent à Sousa et à Lianor deux tendres rejetons, gages charmans, de leur amour. Ce fut alors que, poussé par les secrets desseins de la Providence, Sepulveda eut la funeste idée de quitter le port de Cochin, où l’avaient appelé des devoirs militaires, et de rentrer, avec Lianor et ses deux enfans, en Portugal. Ici se termine toute la partie heureuse et riante du poème : nous allons désormais descendre dans une vallée d’expiation, de souffrance et de deuil.

Un grand concours de peuple, d’amis et de parens, accompagne les jeunes époux sur le rivage ; on les entoure, on échange des paroles de regret et d’adieu. Tous demandent au ciel qu’il les conduise sains et saufs aux rives désirées du Portugal ; mais ces souhaits de l’amitié, ces pieuses prières, ne peuvent arriver jusqu’au trône de l’Éternel : un