Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/801

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soufflent dans ces parages ; les bâtimens à voile en sont surtout affectés et les bateaux à vapeur peuvent rarement, quand ces vents fraîchissent, faire un service de rade comme à Calais. Du reste, tout profitables que sont les travaux exécutés depuis quinze ans, ils n’ont point mis le port de Boulogne au niveau des ports anglais avec lesquels il correspond il n’a ni bassin flot, comme celui de Douvres, ni embarcadère de marchandises, comme celui de Folkstone, et il est plus éloigné qu’aucun des deux d’être accessible à toute marée.

Le chemin de fer s’ouvrant, le port de Boulogne peut-il rester dans son état actuel ? Quiconque étudiera les intérêts que touche cette question la résoudra négativement.

Une politique élevée voit dans l’entrelacement des intérêts et la multiplicité des liens sociaux entre Paris et Londres la base la plus large et la plus solide qui puisse être donnée à la paix du monde, le concours le plus fécond qui puisse être établi pour le développement de l’intelligence humaine ; elle veut que, sans altérer leurs caractères spéciaux, ces deux foyers de civilisation puissans, l’un par le rayonnement des idées, l’autre par la création de la richesse et l’empire sur la matière, s’échauffent mutuellement aux lumières qu’ils projettent. Ce résultat semble être le prix de la course : pour l’atteindre, il faut que, d’un soleil à l’autre, les habitans des deux villes puissent se voir et se parler, que la lettre partie le soir de Paris soit distribuée à Londres à la même heure que celle qui serait adressée à Saint-Cloud. Or, que servirait de franchir en sept heures la distance de Paris à Boulogne, en cinq heures celle de Boulogne à Londres, si, toutes les fois que la mer serait basse, il fallait attendre sur les quais de Boulogne qu’elle montât[1] ? Le chemin de fer et le port sont deux parties d’un même tout ; ils se complètent réciproquement, et la perfection de chacun est

  1. Dans l’hypothèse posée à la page 794, le port de Boulogne serait inabordable dans l’année pendant :
    23 basses mers de 5 h. 8 min. 118 h. 4 min.
    113 basses mers de 4 h. 58 min. 561 h. 14 min.
    180 basses mers de 4 h. 50 min. 870 h.
    168 basses mers de 4 h. 41 min. 786 h. 48 min.
    148 basses mers de 4 h. 26 min. 656 h. 8 min.
    74 basses mers de 4 h. 296 h.
    Total 3,288 h. 14 min.


    Ce qui donne en moyenne, pour la perte de temps d’une marée à l’autre, 4 h. 39 m. Je dois ces calculs à l’obligeance de M. Chazelon, ingénieur hydrographe de la marine, l’un des auteurs des cartes de la Manche.