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Je suis entré dans ces détails pour faire fonctionner devant le lecteur les ressorts les plus énergiques et les plus sûrs des grandes entreprises anglaises. Dans cette combinaison entre l’action du chemin de fer et celle de la navigation, rien n’est oublié de ce qui peut les rendre fécondes : plusieurs entreprises se groupent et s’étaient réciproquement, apportant chacune un produit qui lui est particulier, mais surtout développant, par les facilités qu’elle apporte ou par les débouchés qu’elle ouvre, les produits de celles qui l’ont précédée. Tout s’exécute avec rapidité ; rien ne reste incomplet ou isolé ; l’achat du port accompagne l’ouverture du chemin de fer ; le curage, la construction de l’embarcadère et sa jonction avec la ligne de fer principale suivent immédiatement ; l’affranchissement des droits d’entrée achalande l’établissement naissant, les paquebots y amènent les voyageurs l’hôtel les reçoit, et tandis que ces faits s’accomplissent, on étudie les projets d’agrandissement du port qui doivent couronner l’œuvre. Quand on songe que c’est au plus fort de mécomptes dont le plus profond découragement aurait été la suite dans d’autres pays, que la vivification d’un chemin de fer tombé dans le discrédit du public a été abordée avec cette énergie et cette intelligence, on comprend qu’une nation habituée à voir conduire ainsi les affaires se croie appelée à la conquête du commerce du monde. Il est peu de grandes entreprises qui arrivent à leur terme sans vicissitudes. S’arrêter dans un pas malheureux, c’est tout perdre. Il est rare en Angleterre que l’esprit d’association recule devant une disgrace, il se raidit contre la mauvaise fortune, s’accroche à la chance de succès qu’il découvre au fond d’un revers, ne se préoccupe des difficultés du moment que pour étudier les moyens de les vaincre, et n’abandonne ses entreprises qu’après avoir épuisé ses dernières ressources et renoncé à ses dernières espérances. Cette persévérance donne souvent aux circonstances favorables le temps de se produire. Dans l’espèce, l’établissement des chemins de fer de Boulogne et de Calais, prolongeant la ligne de Londres à Douvres, d’un côté jusqu’à Paris, de l’autre jusqu’à Lille et au Rhin, va finir ce que les travaux, de Folkstone ont si bien commencé, et récompenser la compagnie du chemin de fer du sud-est de sa constance.

On croira sans peine que, sous le rayonnement de Londres, cette côte ignorée change d’aspect à vue d’œil. La démolition des masures du vieux Folkstone va faire de la place pour des constructions élégantes, et déjà le parlement, qui considère avec raison l’embellissement des villes comme un travail d’utilité publique, a autorisé l’expropriation du quartier qui donne sur le port : bientôt on débarquera sur