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des flots, et la Hollande a été conquise sur la mer. Dans toute cette région, des écluses munies de portes d’èbe et de flot, s’ouvrant du côté du large, sont placées à l’issue des émissaires des eaux intérieures ; la marée montante les ferme par les courans qu’elle établit et les maintient par la pression ; quand elle redescend, les eaux douces, pesant à leur tour sur la concavité des portes, les font céder et s’épanchent sur la plage jusqu’à ce que le flux la couvre de nouveau. Les digues construites, on a fait travailler la mer elle-même à attérir, à limoner les surfaces soustraites à son action ; les eaux troubles admises en arrière des digues, par les portes ouvertes des écluses, ne lui ont été rendues qu’après avoir déposé les parties terreuses dont elles étaient chargées. De véritables provinces, ont été de la sorte créées, et l’art persévérant de l’homme a couvert de moissons, de troupeaux, d’habitations, le domaine de l’Océan refoulé.

Calais est situé sur le point de la France où ce territoire conquis a le plus de profondeur : si les hautes marées de vive-eau s’y répandaient librement, elles atteindraient le voisinage de Saint-Omer. Les eaux douces de cette vaste étendue s’écoulent par le canal de Saint-Omer, qui débouche dans le port de Calais. Tout ce système d’inondation est maîtrisé par l’écluse de garde du canal ; en l’ouvrant à la mer montante, en la fermant aux eaux douces, on noierait également le pays.

Par une bizarrerie dont il serait instructif d’étudier les causes, l’admirable agriculture de la Flandre s’arrête à la limite méridionale du département du Nord, et, malgré la similitude des terrains, la facilité des débouchés, ses procédés n’ont presque point passé sur la rive gauche de l’Aa. La nature n’a pas doté l’arrondissement de Dunkerque d’un sol préférable à celui des cantons de Guines, d’Ardres, d’Audruick, de Calais, et la culture est d’un côté la plus florissante, de l’autre la plus misérable qui se puisse voir. Calais est le débouché de ce vaste district, et ses habitans, après avoir négligé dans leur prospérité les ressources de l’agriculture, y trouveraient des moyens sûrs de relever leur pays de sa décadence actuelle. En suivant la route de Calais Saint-Omer, on ne rencontre que prairies marécageuses, pacages aigres, bétail rare et chétif, et les terres éloignées des communications ne sont certainement pas en meilleur état ; on reconnaît néanmoins, à la vigueur de végétaux disséminés de place en place, combien ce terrain maraîcher est disposé à payer avec usure les soins de l’homme. Il n’y en a pas, en arrière de Calais, moins de quarante mille hectares qui, cultivés comme les terres voisines de l’arrondissement