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chute inévitable. Sous l’imminence de cette conclusion, quels capitaux se seraient engagés, quels hommes sérieux auraient associé leur avenir à celui de l’entreprise ? En promenant d’un port à l’autre le transit entre Paris et l’Angleterre, on eût ruiné Boulogne aujourd’hui, Calais demain, et un présent sans sécurité eût préparé un avenir calamiteux.

Le classement des lignes directes d’Amiens à Boulogne et de Lille à Calais a fermé le champ de ces débats funestes ; il a mis chacun des deux ports aux prises avec les élémens naturels de sa prospérité et fait à tous une position stable et définitive. C’est sur de pareilles bases que se fondent les établissemens durables.

Calais se trouve, il est vrai, par cette combinaison, à 378 kilomètres de Paris, quand Boulogne en est à 272 ; mais qu’importe, quand on est distancé, de l’être de 65 kilomètres ou de 106 ? Calais ne s’éloigne d’ailleurs de Paris que pour se rapprocher d’autant de Lille, de Bruxelles, de Liège, de l’Allemagne ; une lutte désespérée avec Boulogne le détournait d’en soutenir une plus égale avec Ostende, et même à certains égards avec Anvers. Son lot, c’est aujourd’hui de desservir les relations entre l’Angleterre d’un côté, et de l’autre nos provinces septentrionales, la Belgique et l’Allemagne.

L’hospitalité à donner aux voyageurs n’est d’ailleurs pas la seule ressource de cette ville ; elle en possède de plus réelles dans l’industrie manufacturière qui a transformé, en vingt-cinq ans, son pauvre faubourg de Saint-Pierre en une ville de 9,000 habitans, dans les canaux qui s’embranchent sur son port, et surtout dans l’exploitation agricole du territoire qui l’environne.

Les Pays-Bas, si l’on veut appeler ainsi cette zône de terrains dont le niveau est inférieur à celui de la haute mer, supérieur à celui de la mer basse, et qui s’étend le long de la mer du Nord jusqu’à la pointe du Jutland, les Pays-Bas commencent en réalité à deux lieues O. de Calais, au cap Blanc-Nez. Dans leur état naturel, ces terrains présentaient d’immenses marécages, alternativement submergés et découverts à chaque marée. Sur une partie de ces côtes, des dunes ou des bourrelets de vases accumulées formaient au milieu des flots, quand la mer montait, de longues et étroites bandes, les unes isolées, les autres rattachées à des plateaux insubmersibles. L’industrie humaine a fermé les intervalles existans entre ces obstacles naturels, et c’est ainsi que les territoires de Calais et de Dunkerque sont devenus habitables. Plus loin, les points d’appui manquaient ; des digues artificielles en ont tenu lieu ; elles ont seules contenu les envahissemens diurnes