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Moniteur, qui a promis de parler, remplira-t-il, oui ou non, ses engagemens ? On voudrait bien prendre un parti, mais que résoudre ? Si le projet est présenté, que fera la chambre ? S’il ne l’est pas, que deviendra l’honneur du cabinet ? Si le Moniteur parle, quel effet produira ce débat inconstitutionnel ? S’il se tait, à quoi tiendra désormais l’existence du ministère ? Au milieu de ces difficultés qu’il s’est créées lui-même, quel parti prend ce cabinet que l’on nous dit si résolu, si ferme dans ses convictions ? Il trouve commode de n’en prendre aucun. Tenez pour certain qu’il ne sait pas encore lui-même ce qu’il fera. Ou plutôt, s’il a une préférence, c’est pour la solution qui gênera le moins sa responsabilité, et qui pourra sauver sa vie, au risque de ne pas sauver son honneur. Nous croyons que sans les représentations énergiques, de quelques amis dévoués de la couronne, le Moniteur aurait déjà repris la série de ses articles. La discussion dans le Moniteur n’engage à rien, et ne peut faire de mal qu’à la royauté. Aussi, nous doutons encore que le ministère laisse échapper cet honnête et estimable moyen de terminer ses embarras.

Dirons-nous un mot de certains expédiens qu’emploie en ce moment le ministère pour conquérir des voix dans la chambre, ou même pour conserver celles de quelques amis intéressés ? Nous n’aimons pas à entamer ce chapitre : nous reconnaissons les tristes nécessites du gouvernement représentatif, nous trouvons d’ailleurs que l’administration n’a pas toujours à se plaindre d’être envahie par la politique : nous ne voulons donc pas faire de puritanisme aux dépens du ministère, mais, puisque le ministère prétend avoir une grande confiance dans la session prochaine, il est bon de voir si cette prétention peut s’accorder avec plusieurs faits qui se passent en ce moment dans l’administration.

Personne n’ignore qu’il y a aujourd’hui tel ministère où plusieurs emplois supérieurs sont vacans depuis quelques mois. On assure que depuis long-temps le chef de ce ministère est fixé sur les nominations qu’il doit soumettre à l’ordonnance royale. Son travail est prêt ; pourquoi ne paraît-il pas ? Parce que les places vacantes ont été promises à une foule de candidats, parce que chaque ministre, de son côté, a pris des engagemens en vue de la session prochaine, parce qu’on juge utile, provisoirement, de tenir ces places disponibles, comme une sorte d’appât offert a des fidélités chancelantes ou à de nouveaux dévouemens. En attendant, le service souffre ; l’opinion se répand dans le public que tel emploi est bien peu nécessaire, puisqu’on le laisse vaquer si long-temps, et les ministres, assaillis de continuelles demandes, donnent à chaque candidat des espérances mensongères. Cela s’appelle gouverner ! Quand on gouverne ainsi, ne prouve-t-on pas que l’on a une extrême défiance de la majorité ?

Il y a dans les différens ministères plusieurs bureaux où de graves affaires attendent vainement depuis plusieurs années une solution. Il s’agit d’intérêts privés ; mais ces intérêts privés ont pour adversaires ou pour défenseurs