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caractères d’Alcibiade et de Pétrone, surtout ce dernier, dont Saint-Evremont dut laisser le goût à ces seigneurs libertins d’Angleterre comme il l’avait donné au grand Condé, Pétrone avec lequel il eût été flatté qu’on, lui eût trouvé de la ressemblance. Au parlement, il fut le premier orateur de son temps. Les débats étaient secrets alors ; mais son éloquence, que l’on peut deviner encore à la grande manière de son style, a laissé des souvenirs éclatans dans les traditions léguées par ses contemporains. On parlait un jour devant Pitt des trésors littéraires, qui nous ont été ravis ; l’un regrettait les livres perdus de Tite-Live, un autre ceux de Tacite, un troisième aurait voulu retrouver une tragédie latine : Pitt dit que, pour lui, ce qu’il regrettait le plus, c’étaient les discours de Bolingbroke.

La lutte de Walpole et de Bolingbroke est un de ces magnifiques duels que l’on ne rencontre, que dans l’histoire des peuples libres. On y retrouve même des péripéties antiques, la proscription par exemple. Walpole fut vainqueur presque dès le début du combat, et il usa de sa victoire avec une impitoyable cruauté Les infatigables efforts de Bolingbroke, durant sa longue défaite, l’ont vengé pourtant de son ennemi dans l’histoire, et ont laissé sur la renommée de Walpole des teintes douteuses qui la ternissent encore Bolingbroke accusé d’avoir travaillé à ramener le prétendant, à la mort de la reine Anne (j’ai des raisons de croire que les archives de notre ministère des affaires étrangères contiennent des preuves suffisantes pour le laver de cette imputation), ses rivaux saisirent ce prétexte pour le dépouiller de ses droits politiques, et même, lorsqu’une amnistie ironique lui permit de rentrer en Angleterre, les portes du parlement lui furent inexorablement fermées. Mais ses ressentimens furent l’ame de l’opposition ardente qui combatti le ministre pendant tant d’années et finit par le renverser. C’était Bolinghroke qui inspirait Wyndham et Pulteney, et qui les lançait contre Walpole à la chambre des communes. M. Smythe a choisi l’épisode le plus remarquable de cette lutte, la discussion de l’acte des parlemens septennaux, une des roueries politiques les plus audacieuses de Walpole. La durée des parlemens était de trois années ; Walpole, craignant que les prochaines élections ne lui envoyassent une chambre tory et peut-être jacobite, proposa à la chambre des communes de prolonger de quatre années la durée de ses pouvoirs. Il eut à essuyer un choc si rude, que, poussé à bout, il fit passer sa défense au-delà des adversaires qu’il avait devant lui, et qu’il porta contre son ennemi invisible, contre Bolingbroke, des coups écrasans. L’effet de son discours fut tel, que Bolingbroke jugea prudent de