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historique, sur l’aristocratie française par exemple, succédera une ballade, la dernière prière de Marie Stuart. Ici M. Smythe consacre au souvenir d’un grand homme, Mirabeau s’il vous plaît, une étude biographique ; ailleurs, pour rendre la couleur d’une époque, le règne de Charles II si vous voulez, c’est dans une scène de courses, à New-Market, qu’il peindra d’imagination la cour dissipée et voluptueuse du fils du roi martyr. De même, s’il veut crayonner le portrait de Robert Walpole, il le fait poser dans une de ces débauches de table auxquelles le ministre corrupteur s’abandonnait avec ses familiers : il oppose à ce tableau celui de Bolingbroke, et c’est en vers, dans une scène dialoguée, que le grand rival de Walpole développe ses éloquentes théories. Puis, çà et là, à travers les fragmens sérieux de son livre, M. Smythe, comme pour marquer la signature de la jeunesse, jette, fleurs charmantes et suaves d’ailleurs, un mélancolique sonnet, un joli chant d’amour. Je ne saurais mieux comparer les bigarrures de ce livre qu’aux capricieuses ébauches d’un album : un trait, une teinte, quelques vers sur le vélin, vous suffisent pour conserver l’impression d’un moment et l’évoquer à votre gré dans sa gracieuse fraîcheur. Quelques lignes vous rendent le paysage et le font revivre comme par un charme de fée dans votre imagination ; vous revoyez les purs contours des collines bronzées par la lumière, vous suivez la voile latine sur les vagues endormies du golfe, vous entendez encore les mélodies que sifflent les brises de mer à travers les aiguilles frémissantes des pins. Telles doivent être pour M. Smythe ses Historic Fancies. Parcourant l’histoire comme on fait un voyage, M. Smythe a fixé les points de vue qui le frappaient le plus par un dessin d’une négligence élégante et docile aux boutades de l’imagination. Aussi son livre, sauf quelques morceaux, n’est-il qu’une suite d’esquisses inachevées et tout individuelles. Je n’aurai rien à redire à ce système si, pour M. Smythe, ce volume n’est guère qu’un album que l’on prêterait à des amis, comme on ferait une confidence.

M. Smythe n’attache pas, en effet, une plus haute idée à ses essais ; il réclame l’indulgence avec une si gracieuse modestie, qu’on aurait tort de lui reprocher trop sévèrement les « les incohérences de forme » dont il se reconnaît lui-même coupable. Je ne serais pas moins injuste si je ne disais que ces incohérences, qui nuisent à l’harmonie d’une œuvre littéraire vraiment digne de ce nom, laissent voir pourtant avec éclat de remarquables mérites d’écrivain. Le style de M. Smythe a des manières tout-à-fait distinguées. Il va parfaitement à la noblesse, à la sérénité, à la généreuse ardeur, à la délicate pureté