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seconde de Jean-Baptiste Gomès, et deux autres tragédies, la Conquête du Pérou et le Viriate de Manoel Caetano Pimenta de Aguiar ont été insérées par M. Ferdinand Denis dans la collection des Théâtres étrangers et dans le Théâtre européen, ainsi que deux charmantes comédies, l’une du même Ferreira, l’autre d’Antonio Jozé, le Jaloux et la Vie du grand don Quixote. Adressons donc de vifs remerciemens à M. Ortaire Fournier, un des plus récens traducteurs de Camoens, qui vient d’ajouter à cette trop courte liste un poème en dix-sept chants, le Naufrage de Manoel de Sousa de Sepulveda, chef-d’œuvre posthume de Jeronimo Corte Real.

À travers le peu qu’on sait de l’existence de cet écrivain, il est pourtant aisé de voir qu’il a mené la vie aventureuse et guerrière de tout noble Portugais au XVIe siècle. L’année de sa naissance et celle de sa mort sont incertaines : Diogo Barbosa Machado, le Moréri du Portugal, le fait mourir vers 1593, quatorze ans environ après Camoens. Il n’y a pas d’invraisemblance à croire qu’il naquit à peu près à la même époque que ce grand homme, c’est-à-dire vers 1524. Il eut pour père Manoel Corte Real, gentilhomme de la maison du roi et capitaine donataire des îles Tercère et de Saint-George. Lui-même nous apprend dans une épître dédicatoire adressée à Philippe II, qu’il descendait par sa mère des illustres familles espagnoles de Bassan et de Mendoça. Il se plaît, dans le XIIIe chant du poème qui va nous occuper, à raconter comment un de ses vaillans ancêtres paternels, Vasqueanes da Costa, héroïque gardien des frontières de l’Algarve reçut par honneur, du roi dom Jean Ier, le surnom de Corte Real, qu’il transmit à ses descendans. Peintre exercé, musicien habile, poète et guerrier de renom, Jeronimo Corte Real parcourut en artiste et en soldat l’Afrique et l’Inde. En 1571, l’année même où Camoens, rentré dans le nid bien-aimé de sa patrie, donnait ses derniers soins à l’impression des Lusiades, Corte Real remplissait les importantes fonctions de capitaine-général d’une flotte, destinée à agir dans les mers d’Afrique et d’Asie. En 1574, il célébra en vers non rimés un glorieux épisode de l’histoire nationale, la levée du second siége de Diu. Un peu plus tard, il mit au jour l’Austriada, poème écrit en langue espagnole, à la gloire de don Juan d’Autriche, vainqueur des Turcs à Lépante. Le 4 août 1578, jour de deuil ! il combattit, avec toute la noblesse du royaume, à la déplorable journée d’Alcacer-Quebir, où vint s’abattre, selon l’énergique expression de Camoens, toute la grandeur du Portugal. Fait prisonnier dans cette déroute, il vit tomber sous le fer des Maures le jeune et unique héritier de sa race, probablement le fils de