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CHARLES GOZZI.




Lorsqu’un poète aimé de son vivant tombe après sa mort dans un oubli profond, il est rare que cet oubli soit injuste. On a d’ailleurs tant de plaisir à redresser les torts du public, qu’il se trouve toujours des critiques disposés à s’en charger ; on pousse même souvent le zèle jusqu’à vouloir réhabiliter de vieux noms sur lesquels l’oubli s’était légitimement assis, et que la poussière ne tarde pas à recouvrir en dépit des efforts qu’on a faits pour la secouer. Charles Gozzi a le malheur de figurer parmi ces flambeaux éteints, et c’est assurément une fâcheuse présomption contre son mérite ; cependant tout homme éclairé qui jettera les yeux sur une page de cet écrivain original, le reconnaîtra pour un des esprits les plus distingués de l’Italie, et même pour l’une des sources inconnues où la littérature actuelle a puisé tout un monde d’idées. Il suffira de dire, pour justifier cette opinion, que Hoffmann, à qui nous avons tant emprunté, devait à l’étude de Gozzi une partie de son talent. Lorsqu’on a cru que Charles Nodier s’inspirait de Hoffmann, c’était dans Gozzi qu’il prenait son bien, car Nodier savait trop où se cachaient les bonnes sources pour arrêter aux ruisseaux qui en sortaient. N’est-il pas curieux de voir aujourd’hui les Italiens nous emprunter souvent les mêmes choses que nous tenons des Allemands, et que ceux-ci avaient dérobées aux Italiens, il y a moins de cent ans ; ne pas reconnaître leur propriété à cause des changemens opérés par le travail d’assimilation, et revenir ainsi à