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se charger la conscience. Mais, en se tournant vers les personnes, le thème change. Nous trouvons dans les rangs légitimistes une société d’élite, élégant débris d’un illustre passé. Nous y trouvons les grandes influences de la propriété, de nobles traditions domestiques, des noms à soutenir, à perpétuer dignement. Ceux qui les portent, ces noms, ne doivent pas hésiter à accepter l’état social qu’ont fait à la France la volonté nationale et les décrets de Dieu. Toutes les fois que le pays les trouvera enfans dévoués, il s’en servira non-seulement sans déplaisir, mais avec orgueil. L’armée et la diplomatie ont gardé un bon souvenir des services de la noblesse. De nouvelles carrières s’ouvrent encore aux héritiers des noms historiques. Dans les conseils-généraux, dans les chambres, ils peuvent être utiles au pays. Quand l’aristocratie romaine eut abdiqué l’empire du monde entre les mains des César, elle garda le prestige des souvenirs et cette autorité indéfinissable dont se trouve investi ce qui a long-temps duré. La noblesse française tombe de moins haut, et en même temps ce n’est pas entre les mains d’un maître, mais entre celles d’un pays libre qu’elle doit abdiquer non plus ses priviléges depuis long-temps perdus, mais certains préjugés désormais sans application possible. Elle ne saurait en vérité se plaindre. Corps politique, elle n’a été vaincue que par le temps, et quant aux personnes, elles ont pour dédommagement un avenir où l’association de la fortune et du talent est certaine de conquérir l’influence politique.

Lerminier.