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roule sur la Vendée ; quant au voyage de Rome, il n’a été entrepris par M. de Genoude que pour avoir une audience de M. le duc de Bordeaux, qui, sans presque ouvrir la bouche, a écouté l’exposition de son système. Nous avons lu tout cela dans la Gazette de France. Nous retrouvons aussi cette Histoire d’une ame, qui a paru dans les colonnes de la Gazette. Quelle ame ? l’ame de M. de Genoude. Il l’ouvre tout entière ; il appelle la France à y lire. On tremble à la vue des périls qu’a courus la jeunesse de M. de Genoude, alors qu’il cherchait la religion, pendant que M. de Lamartine cherchait la poésie : c’est M. de Genoude qui fait ce rapprochement modeste. Un jour, revenant de Saint-Nizier, M. de Genoude avait le Drac à traverser pour rentrer à Grenoble ; il était sur le bateau, et il se sentit saisi du désir de mettre fin à son supplice en se jetant dans le torrent. Voilà, dit-il, où l’avait conduit son enthousiasme pour Voltaire. C’est la première fois qu’on accuse Voltaire de donner aux gens le vertige et le transport au cerveau. Heureusement, M. de Genoude ne se jette pas dans le Drac ; mais il étouffait, toujours pour avoir lu Voltaire, quand un jour il ouvrit l’Émile. La scène change, et voici une contrefaçon du vicaire savoyard. Un pauvre et bon vicaire a appris à Émile les principes de la religion naturelle et la morale du christianisme. C’est aussi un prêtre, le curé de Saint-Fergus, qui prépare le cœur de M. de Genoude à recevoir les vérités chrétiennes. C’est sur une haute colline, au-dessous de laquelle passait le Pô, en face d’un paysage couronné par l’immense chaîne des Alpes, que le vicaire fait à Émile son éloquente confidence ; les entretiens du curé et de M. de Genoude se passent au pied des Alpes françaises, sur les bords de l’Isère. Les œuvres spirituelles de Fénelon furent au nombre des lectures que le curé de Saint-Fergus conseillait à son jeune ami, et l’archevêque de Cambrai eut la gloire d’achever la conversion commencée par le curé. M. de Genoude fait en général à Fénelon l’honneur de le citer souvent, sans doute parce que le précepteur du duc de Bourgogne s’est beaucoup occupé de politique. Nous doutons cependant que Fénelon eût donné son approbation à la complaisance avec laquelle M. de Genoude se met en scène ; Fénelon n’aimait pas cette humilité menteuse qui vous fait trouver mille beaux prétextes pour parler de soi ; il est meilleur, disait-il, de se taire humblement. On peut se rappeler que la plus grande louange qu’il donnait à saint Augustin, c’était d’être arrivé, à travers toute sa science, à la simplicité d’un enfant.

Personne de moins simple et de moins humble que M. de Genoude.